mardi 29 novembre 2011

Ragon le farinier et la louve enragée de Pissotte Vendée. 1785.



La rage sévit dans le Poitou. A Pissotte, près de Fontenay-le-Comte, une louve atteinte fait des ravages, dans les troupeaux et dans la population. A tel point qu'un abonné des Affiches du Poitou adresse une lettre à son journal préféré pour lui signaler les faits. Correspondant local en quelque sorte. L'hebdomadaire relaie les faits racontés par M. de Mouillebert. 


Lettre de M. de Mouillebert du Poirou. 
Les évènements malheureux arrivés, M.., dans la paroisse de Pissot et aux environs peuvent me semble trouver place dans vos affiches, étant intéressant pour des voyageurs de les mettre à même d'éviter des accidents aussi funestes que sont ceux de M. Jourdain curé de Pissot, ma fait le récit dans la Lettre suivante :



...Le mardi après Pâques, une louve enragée s'est jetée sur un homme de la paroisse de Mervent, à demi-quart de lieu de la Paroisse de Mervent, ... l'a mordu au visage, aux mains; il est mort enragé  au bout de quelques jours. Un berger l'apercevant s'est mis ventre à terre et s'est couvert le visage; la louve mordait ses hardes avec fureur et l'aurait vraissemblablement dévoré, si quelques hommes, accompagnés de chiens, n'eussent passés par hasard.  Dans le même temps, un farinier, nommé RAGON, rencontra la louve ; il combattit vaillamment avec un homme qui l'accompagnait ; un coup de bâton lancé porta malheureusement sur une branche ; la louve le mordit à la cuisse et lui fit quatre ou cinq trous, celui-là n'en n'est point mort, je crois que la raison est que la louve ayant mordu au travers d'une culotte fort épaisse, l'écume ou si vous voulez la morve n'ayant point atteint la peau, n'a pu communiquer son venin, et cette circonstance peut être fort favorable au meunier. 


C'est lui qui a terrassé la louve, huit ou dix des habitants l'ont à la vérité tuée avec fusils et fourches , mais elle avait perdu une partie de ses forces. 

Beaucoup de bestiaux du voisinage ont été mordus ; ceux-ci en ont mordu d'autres et cela a produit de mauvaises fuites ; on a tué dans la paroisse cinq boeufs, quelques chiens et quelques vaches ; l'on vient de me dire que deux autres boeufs de Saint-Luc sont menacés de cette maladie. M. Bonamy a fait faire une chasse ; les dispositions en étaient très bonnes, mais l'éxécution n'a pas répondu ; les paysans, manquant de chefs, se sont dispersés, sans avoir rien tué.  Malgré les défenses réitérées, nos paysans laissaient leurs bêtes mortes sans les mettre en terre, et la nuit les loups et les chiens les mangeaient à demi pourries. Celà seur peut produire le mal dont on se plaint. 
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A la fin du registre de 1785, le curé Jourdain du village de Pissotte raconte l'épisode de la louve enragée. 1785 est de plus une année de disette...

Dans cette année
 une louve enragée a fait
 beaucoup de ravage dans cette 
paroisse et celle Mervent (?)
Deux hommes qui en ont
été mordus et lavaient terrassé
sont morts on a perdu
et été obligé de tuer
Dans ma paroisse sept ou 
huit boeufs  sept ou huit vaches
sept ou huit juments
tous ces malheurs joints à la 
Disete ont produit une année
très malheureuse le nombre
des pauvres était infini
beaucoup de métayers et bordiers
ont été forcé de demander 
l'aumone....


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Le Mardi 5 avril 1785 Pierre Dieumegard  meurt à Mervent
Jean Gelot 21 ans lui est mort le 28 mars. 
Peut-être les deux décès dont parle notre correspondant. 
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Le Bulletin de la Société des Antiquaires de l'Ouest guide ma quête des loups. Le Lieutenant Colonel Chevalier Ruffigny (3ème Série) répertorie dans son article quelques dossiers des archives traitant des loups. La Cote C66 nous apporta hier l'excellente surprise d'un relevé nominatif qui sera progressivement dépouillé. 

 C'est sur ce relevé que nous retrouvons l'épisode de Pissotte, et l'on voit que le bénéfice de la chasse ne revient pas au farinier Ragon seul, mais à l'ensemble des villageois qui ont pris part à cette chasse. 
 Les références des Affiches du Poitou, nous permettent aujourd'hui de réunir tous les éléments de cette terrible histoire de louve enragée. 
La rage est là indubitable, et en période de disette, on ne sacrifie pas facilement le bétail. 
Les loups mordent, certes, mais les chiens aussi. 
Monsieur Mouillebert, conscient des mesures de prévention et d'encadrement de l'épidémie (mise en terre des cadavres, sacrifice des animaux atteints, isolement) peine à obtenir leur mise en place par les villageois...

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Sources : BSAO 3ème série, ADV C66, AD de la Vendée.


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