lundi 17 décembre 2012

La noyade de Saint Saviol - 1749 - Mise à jour.



Mercredi 12 Décembre, Alain Texier a présenté devant l'assemblée des Amis du Pays Civraisien,
 la noyade de Saint Saviol. 
L'occasion de préciser les données, de développer des hypothèses, d'illustrer cette étrange affaire.
Pour notre plus grand plaisir, Alain Texier raconte, précise et récapitule. 
Embarquement immédiat. 

La noyade de Saint-Saviol - 1749

Présentation

Après avoir relu les différentes pièces du dossier, je reviens sur mes premiers écrits, car je m’aperçois que j’y ai commis quelques erreurs. Je vous prie de bien vouloir m’en excuser, et je pense que la version qui suit correspond davantage à la réalité des faits.

En recherchant les traces de certains de mes ancêtres à Saint-Saviol, un texte des registres paroissiaux a attiré mon regard. En effet, les actes de baptême ne prennent que 4 à 5 lignes, les actes de mariages environ une demi-page, et les actes de sépulture comportent 6 à 7 lignes, selon le nombre d’accompagnateurs à la dernière demeure du défunt. Ici, un acte de sépulture daté de 1749 s’étalait sur quinze lignes, et le nombre de 22 corps enterrés ce jour là m’a très fortement intrigué. C’est en lisant ce texte que j’ai pris connaissance du drame qui s’était déroulé dans ce secteur du Sud de la Vienne.
L’existence d’un procès verbal dressé par l’administration de l’époque étant mentionnée dans l’acte, j’ai caressé l’espoir que ces papiers avaient été conservés.

Ayant parlé de ce fait divers sur un forum de généalogie (GE86), Sébastien Pissard a trouvé les références du dossier judiciaire de cette affaire (4B 68) et Gloria, notre sorcière, s’est déplacée aux Archives Départementales pour en faire des photos qu’elle m’a transmis.

Le registre de St Saviol

Voici donc l’écrit qui a éveillé ma curiosité : il s’agit, sur cet écran, d’un montage des photos des pages 29 et 30 du registre BMS – 1745-1763, prises sur le site des Archives Départementales de la Vienne.



Texte
           
Remis en français actuel, avec ponctuation et majuscules.

Aujourd’hui dix sept mars mil sept cent quarante neuf ont été inhumés dans le cimetière du bourg le nombre de vingt deux corps morts tant femmes, garçons, filles de tous ages tous mendiants à nous, presque tous (jeunes) et tous de paroisses étrangères, qui se sont noyés de hier en passant au bateau de Réfoux dont procès verbal et levée des dits corps a été fait par messieurs les officiers de Civray du nombre desquels on cite Jeanne âgée de douze ans, Louis, âgé de huit ans, fils de Gabriel Bertaud du village de Fortran, paroisse de Linazay, Jeanne âgée de seize ans, Jacques âgé de huit ans fils de feu Jean Metayer et de Charlotte Moduit, Jeanne Baudain fille de André Baudin et de Elizabeth Baré âgée de douze ans, Françoise Micheau âgée de trente ans ou environ, Louis et Paul Picoult, ses enfants, Jeanne Ménard veuve de André Braud, François Braud son fils, Lisabelle Epinoux et sa fille Jeanne et deux de ses enfants, femme de Pierre Lemape, la femme de Briand, la Chermante et sa fille, le fils de Chesnain, la fille de Pierre Barbarin
Bruneau, prieur curé de St Saviol.


Ce qu’il nous apprend : nombre de victimes avec leur provenance et condition sociale, lieu de l’accident, existence d’une enquête, et l’identité de la plupart d’entre elles.

Le document de Linazay

La plupart des victimes étant originaires de Linazay, le curé de cette paroisse a également reporté sur ses registres le nom de celles de ces ouailles qui ont péri dans l’accident. Je vous fais l’économie de la photo de l’acte, mais en voilà le contenu (registres de Linazay BMS - 1746-1764, page 19 – AD86). Notez qu’il a commis une grossière erreur sur la date puisqu’il écrit celle du 16 janvier 1749, soit deux mois avant les faits. Il se trompe aussi sur le nom d’une de ses paroissiennes, dont pourtant il avait baptisé les enfants : il écrit « Françoise Michel » au lieu de « Michau ».

Le seize janvier 1749 vingt quatre pauvres se sont noyés dans la rivière de Charente près le moulin de Réfoux paroisse de Saint-Saviol du nombre desquels étaient Jeanne Menart, François Braut son fils, Francoise Michel veuve de Louis Picaut, Louis et Paul Picaut ses enfants, Jeanne et Louis Bertaut, Jeanne et Jacques Metayer, et Jeanne Baudin, tous du village de Fortrant de cette paroisse qui ont été inhumés dans le cimetière de Saint-Saviol.
H. Moreau curé de Linasay.


Les lieux



La Charente constitue un obstacle à franchir pour les voyageurs, et les passages entre Civray et Comporté étaient (et sont encore) rares. Il n’y avait alors de pont qu’à Dalidant.
Nous verrons tout à l’heure que les personnes qui se sont noyées venaient de Fortran, sur Linazay pour se rendre au Ravary, et que des témoins revenaient de la messe de St Saviol pour rentrer chez eux, aux Champs et Chez Boisson.
Pour traverser la rivière sans faire de longs détours, il était donc nécessaire de prendre des bacs, et il y en avait justement un au moulin du Réfoux. Il devait aussi être possible de traverser à gué, mais au mois de mars, en période de hautes eaux, ce ne devait être possible qu’en voiture à cheval, et encore, ce n’est pas sûr.
Le pont Bridé n’existait pas, mais il est probable qu’à cet endroit il y avait un gué.
Je pense également que c’est par bateau que les habitants des Poiriers se rendaient à la messe à St Saviol, avec une embarcation qui devait être en aval du moulin de Roche, auquel ils accédaient par le raidillon actuel (un chemin d’ailleurs existe toujours qui va de l’église de St Saviol vers le moulin de Roche Papillon, mais s’arrête en plein champ, comme celui de Bessigny). C’est quand même plus court que de faire le détour par Comporté.
Pour aller de St Saviol au Réfoux, comme l’a fait le meunier, il est possible soit de passer par Chez Sagaud, descendre le coteau et rejoindre Bessigny, soit de passer par Chalbret. De Bessigny vers le moulin, avant le Ravary, un chemin qui existe encore, qui se dirige vers le moulin, mais qui, actuellement ne va pas jusqu’au bord de l’eau. Il est probable qu’à l’époque c’était le chemin ordinaire pour accéder au bac.
Les passages par ce moulin et ce bac étaient donc fréquents, et le meunier ou ses aides devaient souvent être appelés à faire l’aller-retour (moyennant piécettes ?).

Le moulin se trouvait au dessus d’un canal qui existe encore, qui alimentait la roue. Les logements et la cour du moulin se trouvaient sur la rive droite, du côté de l’Echelle. De l’autre côté du canal, il y a un îlot où il devait être possible de se rendre depuis la cour par une passerelle passant devant le bâtiment du moulin, au-dessus de l’accès à la roue, comme on le voit sur tous les moulins. Le bac se trouvait sur l’autre rive de l’îlot, vers Bessigny.
Immédiatement en aval de cet îlot, la Charente se divise encore une fois et contourne la « Grande Ile du Réfoux », le bras de droite étant cependant bien moins important que celui de gauche, qui longe les coteaux.
En se rendant sur place actuellement, au lieu-dit « le Réfoux », sur la rive droite de la Charente, (donc du côté de la laiterie), on ne voit que deux petites maisons, semblant inoccupées, et un hangar agricole, au bord d’un petit bras canalisé de la rivière.

L’histoire


Ce schéma est adapté de celui de Bernard Baillargeon, qui est cordialement remercié.
Le dimanche matin 16 mars 1749, sous le règne de Louis XV, dit le Bien Aimé, tombe cette année là un mois jour pour jour avant Pâques. Le soleil se lève vers 5 h 45 et se couche vers 18 h 15 à l’heure solaire qui était suivie à cette époque. Denis Bourdereau, le meunier du moulin du Réfoux, un homme d’environ 57 ans, revient de la messe dite par le curé Bruneau à Saint-Saviol avec son épouse, Jeanne Blanchard. Ils sont sûrement accompagnés de leurs trois enfants, Louis, 16 ans, Suzanne-Magdeleine, 12 ans et Jeanne 10 ans. Ils passent par Bessigny, suivent le chemin qui mène à la rivière, et prennent le bateau qui les attend pour traverser jusqu’au moulin.
Arrivés dans la cour du moulin, il y trouve une troupe d’une vingtaine de femmes et d’enfants. Ce sont des miséreux dont la plupart sont de Fortran, de la paroisse de Linazay. Oh, il reconnaît bien parmi elles la Grimaude, la fille de Pierre Grimaud des Poiriers, une belle plante de 17 ans, avec un panier de sardines sous son bras, et la jeune veuve Dragon qu’il connaissait de nom, donnant le sein à un bébé d’un an ou deux.
En homme charitable, ayant reçu la communion le matin même, il leur distribue quelques piécettes. Elles lui demandent alors de leur faire traverser l’eau, car elles veulent aller au Ravary. Le brave meunier ne le désire pas : il avait déjà fait la traversée deux fois dans la matinée, et il était l’heure de la soupe (il était vers les 10 et demi – heure solaire). Les femmes se tournent alors vers le farinier du moulin, Louis d’Aulière (ou d’Auliene), qui ne peut pas résister à un joli sourire de l’une ou l’autre, et accepte de les faire traverser. 
Tout le monde se précipite dans le bateau, en essayant de se caser tant bien que mal, la plupart des femmes restant debout, faute de place.
Nous sommes à la fin de l’hiver, et le courant est assez fort, d’autant que le moulin ne fonctionnant pas en cette journée de dimanche, les pelles de l’exutoire sont ouvertes, faisant augmenter d’autant le courant dans la branche principale.
Vers le milieu de la rivière, le bateau, trop chargé, commence à prendre l’eau, mais l’on est presque arrivé. Encore un coup de perche, et enfin la barque touche la berge, mais hélas, comme souvent, l’accostage ne se fait pas en douceur, et le choc du bateau contre le bord déséquilibre les personnes debout qui se renversent les unes sur les autres et finissent par tomber à l’eau. Le bateau se remplit rapidement d’eau et coule. Bien évidemment, personne ne sait nager, et les pauvres femmes sont encombrées par leurs cotillons, ou tentent de garder leur bébé dans les bras. Aucune n’en réchappera.
Quant à d’Aulière, le farinier passeur, il a la chance d’être secouru par son valet Pignou qui se trouvait sur la berge et lui tend une perche qui l’aide à sortir de l’eau.
Les gens du moulin, sur l’îlot, assistent à la scène : les domestiques Pierre Dugué, Jacques Challeroux et Pierre Chesnain. Je pense que le meunier a du également voir le drame. Sur l’autre rive se tiennent Pierre Gendreau, habitant les Champs, paroisse de St Pierre, et Charles Bouchet de Chez Boisson qui arrivaient également de la messe à St Saviol, et désiraient traverser par le bac pour rentrer chez eux.
Bien sûr, ce fut l’affolement au moulin. Pierre Chesnais attelle la ghiole (pour les non patoisants, c’est une voiture à cheval), et emmène sa patronne, Jeanne Blanchard, à Civray, où ils vont rapporter les faits au procureur du Roi, monsieur Lelong de la Fragnée, qui dépêche aussitôt une commission d’enquête constituée par :
-          Jean Albert, conseiller du Roi, juge de la sénéchaussée de Civray, (selon Bobe : « sieur de Bellevue, gendre de Jacques Cacault, mourut le même jour que sa femme après 56 ans de mariage »). En effet, Jean Albert et Louise Marguerite Cacault s’étaient mariés le 24/10/1695 à Saint-Clémentin (BMS – 1693-1724, p. 5). Ils ont été inhumés tous les deux dans la même tombe le 5 novembre 1750 (BMS – 1745-1750, p. 114), lui, à l’âge de 77 ans, et elle, à 76 ans. Il avait donc 75 ans environ au moment de cette enquête.
-          Jean Malapert, procureur du Roi, commis greffier en l’absence du greffier ordinaire,
-          André Descats, huissier et
-          Jean Pascault, maître chirurgien, lieutenant des chirurgiens de Civray.
(Tous ces personnages sont cités également comme tels dans l’ouvrage de Bobe : A. BOBE – Histoire de Civray – Imprimerie administrative centrale – Paris - 1935).
Arrivé sur place, en tout début d’après-midi, le juge interroge en premier le meunier Bourdereau. C’est de cet interrogatoire que nous sont parvenues la plupart des informations que nous avons sur ce drame.
Après l’interrogatoire du meunier, les enquêteurs vont sur les lieux mêmes, où ils peuvent voir des cadavres sur des îlots. Malheureusement, il n’était plus possible d’aller les chercher, car il n’y avait plus de bateau sur place, le seul existant ayant coulé. Trois personnes (Louis Barantin de l’Echelle, Jean Meusnier et Jacques Ollivier, tous deux du Ravary) sont dépêchées au moulin de Roche sous les Poiriers (Roche Papillon) pour y emprunter un bateau qui servira au repêchage des corps. Avec Jacques Dardou (ou Dardon), habitant au Réfoux et François Garnier, de St Saviol, ils vont sortir les cadavres de l’eau et les emmener aux moulins – au pluriel dans le PV : il y avait donc plusieurs moulins au Réfoux.
A six heures, la commission judiciaire interrompt ses investigations, en demandant que les recherches continuent. Il s’en vont diner à Comporté (pour 18 sols).
Le lundi 17 mars, à huit heures du matin, les enquêteurs sont de nouveau sur place, mais aujourd’hui, le procureur Lelong de la Fragnée les accompagne, et ordonne que les corps soient enterrés au cimetière de Saint Saviol, et que les fosses soient creusées. Les recherches reprennent et les cadavres de dix sept victimes sont sortis des moulins où ils avaient passé la nuit pour être exposés dans l’îlot : sept jeunes garçons et dix femmes et filles de différents âges.
La nouvelle de ce tragique accident s’était bien sûr répandue dans les villages alentours, et beaucoup de monde est venu : des parents et des maris inquiets de ne pas avoir vu revenir leur famille la veille au soir. C’est ainsi que Jacques Briand, de Champagné le Sec, reconnaît sa femme Anne Feumolant. De Fortran à Linazay, les sœurs Suzanne et Françoise Brault découvrent les cadavres de leur mère Jeanne Mesnard et de leur frère François Brault. La malheureuse était la veuve d’André Brault. Catherine Moussault, femme de Gabriel Bertault a reconnu deux des cadavres pour être ceux de Louis et Jeanne Bertault, ses enfants.
Les enquêteurs remarquent à la ceinture de l’une des jeunes femmes trois clés et des ciseaux, et à la ceinture de l’autre une grosse clé, que Suzanne Brault dit lui appartenir, mais que réclame Françoise Bouteland, sa belle-mère.
Après ces premières constatations, le juge fait embarquer les cadavres pour les disposer dans deux charrettes de l’autre côté de la rivière afin les conduire au bourg de St Saviol. C’est en effet le chemin le plus logique si le gué Bridé n’était pas praticable. Nous connaissons les noms des conducteurs de ces charrettes : il s’agit de François Bonnet, Pierre Bouchet, Charles Gibault et Pierre Dexmier.
Le chirurgien Pascault (le médecin légiste avant la lettre) a eu le temps d’examiner les corps, et déclare que la mort est due à « l’abondance d’eau dans laquelle ils tombèrent le jour d’hier et dont ils ont été suffoqués, étouffés et noyés. »
Tous ces événements ont pris la matinée, et, à midi, les enquêteurs se retirent pour prendre leur repas (toujours à Comporté). Mais les recherches des autres cadavres se poursuivent, par les nommés Barantin, Savy, Boucher, Dardou et Rivaud. A deux heures, le ventre repu (moins cher que la veille au soir : 16 sols), les membres de la commission reprennent leurs travaux, en examinant cinq autres cadavres. Le juge ordonne que ceux-ci rejoignent les autres au cimetière de St Saviol, et nomme les personnes chargés de creuser les fosses : Jacques Marché, sacristain de la paroisse, les nommés Pierre Saunier et Gabriel Cognac, Jacques Brumault, Pierre Moreau et Estienne ?.
A cinq heures de l’après midi, le juge Albert clôt son procès verbal et l’huissier André Descats a déjà rédigé l’injonction à comparaître dès le lendemain mardi à 10 heures à Civray, des différents témoins pour prendre leurs dépositions.

Ce même jour, le curé Bruneau procède à la sépulture collective.

Le mardi 18 mars donc, Pierre Gendrault, laboureur au village des Champs (St Pierre), Charles Bouchet, laboureur à Chez Boisson (St Saviol), Jacques Chaleroux, Jacques Verdon, et Pierre Chesnin, qui sont tous les trois domestiques au moulin, font leurs dépositions. Celle de Chesnin nous est parvenue incomplète : il n’en reste que les premières lignes, qui ne sont que les formules officielles, mais rien sur son récit. Les autres concordent à quelques détails près sur la position du bateau au moment du naufrage, et sur l’emplacement des cadavres retrouvés. Selon Verdon, il se serait mis à l’eau, avec d’autres, et aurait retiré trois corps sur la berge : il doit s’agir de ceux que les enquêteurs ont vu en premier. Il est possible qu’il était plus facile de traverser cette partie en ayant pied, sans avoir besoin de nager. Ce passage entre l’îlot du moulin et la grande île est actuellement fermé par une digue.

Un peu plus tard, le 31 mars, Albert fait les comptes de ces deux journées d’investigations ce qui nous permet de connaître les tarifs pratiqués :
Le juge Albert a touché 16 livres pour les deux jours,
le chirurgien Pascault : 8 livres,
l’huissier : 6 livres,
les « pêcheurs de cadavres » : 30 sols,
les faiseurs de coffres : 15 sols,
les charretiers : 20 sols.
Il y a eu également pour 6 sols de papier.

Mais, me direz-vous, on n’a pas beaucoup entendu parler du farinier passeur et de son acolyte ! Car, vous l’avez sûrement compris, il était le principal responsable du désastre par l’imprudence qu’il a commis en faisant embarquer trop de monde dans un petit bateau. Il faut remarquer que son nom n’est pas certain, car l’orthographe diffère d’un document à l’autre. En effet, on peut lire : de Rehange, Dauhiere ou Dauliere et Dezaulier, aux trois passages où son nom est cité. Seul son prénom, Louis est connu avec certitude.
Toujours est-il que, dans ses attendus, le procureur du Roi après avoir décrit les faits, écrit la phrase suivante : « … (tous ont) péris, à la réserve du batelier, qui s’est sauvé à la faveur d’une gaule qu’on lui a présenté, ce qui fait que pour le dit de Rehange il requiert que » suivi d’un blanc. La ligne suivante parle d’autre chose : « Ce considéré, Monsieur, etc. … ». Cela sous-entend que des poursuites ont été faites à son encontre, mais le dossier qui nous est parvenu n’en parle pas.
Il est certain que se sentant coupable, il a pris la poudre d’escampette, sans attendre que les autorités arrivent.


Les victimes


Voyons maintenant quelles sont les victimes. Dans sa déposition, Bourdereau le meunier donne le chiffre de 24 personnes dans la cour du moulin lorsqu’il est revenu de la messe. Les a-t’il vraiment compté ? S’en souvient-il parce qu’il leur a donné à chacun une piécette ?
Le procès verbal, lui, décompte 17 cadavres retirés de l’eau le 16 mars, et 5 le lendemain, ce qui fait 22, comme le curé l’écrit sur l’acte d’inhumation, mais en n’identifiant que 19 individus. Je pense avoir retrouvé l’identité de chacune, et parfois une partie de sa vie. Le curé de Linazay n’a repris que les 10 noms de ses paroissiennes et leurs enfants.
Le tableau donne pour chaque victime le nom, le sexe et l’âge qu’il a été possible de déterminer, ainsi que le nom de son mari, et éventuellement de ses parents. Les autres colonnes indiquent le document qui a fourni les renseignements.

Les victimes, que nous allons énumérer selon l’ordre de la liste du curé Bruneau de Saint-Saviol sont donc :

  1. Jeanne Bertault, 13 ans, et
  2. Louis Bertault, 8 ans, enfants de Gabriel Bertault et de Catherine Moussault. Tous les enfants de ce couple ont été baptisés à Linazay. Les deux aînés (Philippe 18 ans et Catherine 16 ans) leur restaient peut-être.
  3. Jeanne Metayer, 16 ans : il s’agit en toute vraisemblance de Jeanne Metayer, fille de défunt Jean Métayer et de Charlotte Mauduit. Son père est décédé à Linazay en octobre 1748, à 43 ans.
  4. Jacques Metayer, 8 ans, son frère. Leur mère, Charlotte Mauduit reste donc veuve, avec la petite Catherine âgée de 5 ans et Jean, âgé de 4 mois, donc né après le décès de son père.
  5. Jeanne Baudin, 12 ans. Elle est la fille d’André Baudin et d’Elizabeth Barré, mariés en 1728 à Linazay. Elle avait 2 sœurs et un frère, tous plus âgés.
  6. Françoise Micheau (pour le curé de Saint-Saviol) ou Michel (pour celui de Linazay). Agée de 30 ans ou environ, elle est veuve de Louis Picoult (ou Picaut, selon les curés). Ils s’étaient mariés en 1738 à Linazay. Son mari avait 26 ans lorsqu’il est mort à Linazay en 1746. Il est donc a penser qu’elle devait en avoir moins de 29 lorsqu’elle s’est noyée avec ses deux enfants, qui suivent.
  7. Louis Picaut, 9 ans, fils de défunt Louis et de Françoise Micheau.
  8. Paul Picaut, 4 ans, son frère.
  9. Jeanne Mesnard, épouse d’André Brault, a été reconnue par ses filles, Françoise née en 1743 à Linazay (6 ans) et Suzanne, vraisemblablement plus âgée.
  10. François Brault, son fils, est également parmi les victimes.
  11. Isabelle Epinoux. Je n’ai rien trouvé sur cette personne. La citation du curé de Saint Saviol dit qu’elle est la mère de Jeanne, qui suit.
  12. Jeanne, fille de la précédente, et femme de Pierre ? : Le nom du mari est difficilement lisible, et chercher le mariage d’un Pierre inconnu avec une Jeanne inconnue, même en connaissant le nom de la belle mère, est une tâche impossible, sauf coup de chance.
  13. Un enfant de la Jeanne précédente, fille d’Isabelle Epinoux.
  14. Un autre enfant de la même Jeanne, de sexe opposé au premier.
  15. Anne Feumolant s’est mariée avec Jacques Briand en 1738 à St Pierre d’Exideuil, après être passée devant le notaire. Je n’ai pas trouvé sa date de naissance, mais ses parents se sont mariés en 1704. Elle avait donc moins de 45 ans au moment de son décès. Elle a eu au moins 5 enfants, dont deux ont dû mourir en bas âge. Le petit dernier, François avait 3 ans.
  16. La Chermante. Je n’ai trouvé aucun nom se rapprochant. Peut-être était-ce un surnom.
  17. La fille de la Chermante : ne connaissant pas la mère, je n’ai évidemment pas pu trouver sa fille.
  18. Le fils de Chesnin. Se pourrait-il qu’il s’agisse d’un enfant de Pierre Chesnin, le domestique du moulin ? Ce n’est pas impossible, mais d’une part le curé Bruneau dit bien que toutes les personnes inhumées ce jour là étaient étrangères à sa paroisse, et d’autre part, si son fils avait été parmi les victimes, son père aurait plutôt chercher à le retrouver dans l’eau que d’aller accompagner sa patronne à Civray.
  19. La fille de Pierre Barbarin : Je n’ai pas trouvé de famille Barbarin sur le secteur à cette époque.
  20. La fille Grimaud, reconnue par Bourdereau dans sa cour, porteuse d’un panier de sardine. Il dit qu’elle a 17 ans et vient des Poiriers. J’ai trouvé deux candidates dans la paroisse de Saint Macoux, toutes deux filles d’un Jean Grimault : Magdeleine, fille de Magdeleine Beau, née le 25/08/1733, ou Françoise, fille de Suzanne Rougier, née le 06/06/1735.
  21. La veuve Dragon est mentionnée par Bourdereau comme étant une des personnes qui attendaient dans la cour du moulin. Aucun des curés ne la mentionne, et je n’ai pas trouvé ce nom dans les bases de données. Elle portait un bébé au sein.
  22. Le bébé Dragon.

Il y a donc eu 14 femmes ou filles, 7 jeunes garçons et 1 bébé.

Conclusion

Il est navrant de penser que c’est par l’imprudence d’un homme qui n’a même pas eu le courage d’assumer la responsabilité de son acte, que ce tragique fait divers a pu avoir lieu. Mais le fait d’en parler permet d’avoir une pensée pour ces pauvres gens et pour les difficiles conditions de vie de l’époque.

Alain TEXIER

A lire l'article publié en Janvier concernant cette affaire. Vous y trouverez d'autres illustrations (Merci à Bernard Baillargeon pour sa participation, les premières hypothèses et discussions. 

mercredi 12 décembre 2012

Gémellité à travers les âges. Echo

Un article passionnant sur Degré de Parenté . Un autre en écho sur l'INED.
Sur les archives insolites de la Vienne, vous trouverez quelques grossesses multiples à travers les registres. Jumeaux, Triplés voire Quadruplés. Ceux qui survivent sont rares. Mais ça arrive, voir les Triplettes de St Georges
L'occasion de relire et mettre à la Une un article passionnant de l'INED, complet, documenté, dense, à garder parmi ses favoris.
A noter le pic de gémellité de 1919 !
Dans le Poitou, une amie m'avait fait remarquer l'hyperfécondité des femmes Acadiennes, 12, 13 petits... Mais je n'ai pas encore approfondi le sujet.
Bonne lecture !

mardi 11 décembre 2012

Quinze exposés d'enfants. Angliers (86)



Quinze exposés d'enfants plus tard, il faut repasser commande de café, l'UMP a toujours deux papas en instance de divorce, et la RFG nous apprend que  Lorphelin, notre mère carabine à tous, a failli s'appeler Laporte. J'ai rencontré l'ami Fred aux Archives de la Vienne, en quête d'un enfant trouvé, qui nous vaut un article très émouvant...

Quinze exposés plus tard, que nous disent ces enfants d'Angliers ?

Quinze enfants et cinq régimes.
 De l'ancien régime à la monarchie de Juillet. Les protagonistes se suivent, certains prennent des responsabilités (PATRI...S ou X) puis les perdent, nous connaissons le boulanger, les responsables municipaux, les juges de paix, les nourrices... La plume passe du curé à l'agent municipal, le juge de paix établit un procès-verbal. Cette modification de la procédure nous apporte quantité de détails sur les circonstances de l'abandon et les protagonistes de la découverte.

Quinze enfants et deux lois.
Sous l'ancien régime, le curé rappelle une fois l'an, l'édit d'Henri II, Février 1556,  qui oblige les célibataires et les veuves à déclarer leurs grossesses. Nous retrouvons fréquemment ce texte dans les archives paroissiales.
Nouvelle époque, nouvelle loi. 28 Juin 1793, fait obligation à la Nation de s'occuper des enfants abandonnés. On les nommera désormais orphelins. Le Juge de paix est tenu de dresser un procès verbal mentionnant tous les indices (age probable, description, vêtements, indications). Une fois fait, l'officier d'état civil à la suite, déclare l'enfant et lui donne un nom et prénom.

Quinze enfants et trois lieux d'abandon.
 La plupart du temps les enfants sont laissés à la porte du château,  d'une maison, le panier accroché, à l'aide d'une cordelette, au heurtoir, en hauteur, afin de le mettre à l'abri des animaux errants. Avant de disparaitre dans la nuit, l'adulte frappe à la porte, encore et encore. Il arrive quelquefois que le locataire fasse la sourde oreille, souvent alors un voisin se manifeste, tandis qu'une ombre fuit.
Nous verrons dans certaines affaires criminelles que la procédure a son importance. Abandonner est toléré, certains, curieusement, se vantent même d'avoir émis l'idée. A la ville l'abandon s'est organisé. Des tours sont mis en place, de l'autre coté du tourniquet, l'enfant est accueilli. A la campagne, pour offrir une petite chance à l'enfant, il faut tambouriner à la porte et le mieux est qu'on y trouve derrière une nourrice. Affaires de femmes, ce sont néanmoins la plupart du temps, leurs hommes qui vont déclarer l'exposition.
Zéphirine laissée au sol, Eugénie sur un tas de bois, au froid de janvier, Louise au ballet de l'église... Parfois les choses se compliquent, l'angoisse étreint, précipite la peur d'être découvert, reconnu, et pousse à fuir vite trop vite.

Quinze enfants et quatre saisons.
L'abandon est de tous les mois de l'année, printemps, été, automne, hiver, la nuit, après minuit. Combien de temps survit-on dans un panier par une nuit d'hiver ? Je n'ai pas cherché dans les actes de décès d'Angliers si certains avaient été retrouvés trop tard.

Quinze enfants et quelques langes.
Le juge de paix détaille : l'état de propreté global,  la nature des plumes de l'oreiller (oie, poules), la présence d'une souille (taie d'oreiller), la liste des vêtements, leur qualité, la nature des toiles utilisées (étamine, serge, indienne, mousseline, soie), les couleurs ou impressions, l'état d'usure. Autant d'éléments qui permettront de rendre l'enfant s'il est réclamé et qui indicent sur l'anticipation, le milieu social, le temps pris à préparer ce panier, les soins apportés au nouveau-né.

Quinze enfants et trois écrits identifiants.
Un petit papier trouvé dans un bonnet, gardé dans un registre. Un nom, un prénom, quelques recommandations, et parfois l'expression d'un sentiment. Douleur, regret, inquiétude. Quelques mots pour un scénario. Qui écrit ? Une sage-femme qui connait toutes les nourrices d'Angliers et la mansuétude des autorités ? La patronne autoritaire d'une petite bonne qui simplifie la gestion domestique de son domaine ? Une femme épuisée qui suspend seule au crochet d'une porte fermée le fruit amer d'une douleur adultère ? Qui est aidée ? Qui tient l' anse du panier ? Qui récidive ?
 Pourquoi Angliers ?

Quinze enfants et une trace.
Que sont-ils devenus ? Rien sur les relevés des clubs régionaux (CGP ou GE86), ni dans les mariages, ni dans les décès. Ont-ils changé de nom ? Ont-ils changé de lieu ? Ont-ils survécu ?

Quinze enfants et la série 3X aux AD86.
C'est là qu'il faut chercher réponse à ces questions.

L'abandon semble se régler en local sous l'ancien régime. Le curé baptise, confie à une nourrice, certains petits iront sans doute à l'hospice le plus proche (Loudun), quand d'autres grandiront dans une famille, travailleront dans une autre ou mendieront, errants de village en village...

A la Révolution, on organise et répertorie les enfants exposés.
Trouvés dans le village, ils sont dans un premier temps confiés à une nourrice, le plus souvent celle qui vit derrière la porte où ils furent accrochés. Une fois les déclarations faites, l'enfant est envoyé à l'hospice le plus proche. Pour les enfants d'Angliers, il s'agit de celui de Loudun. C'est un citoyen du village, impliqué dans la découverte de l'enfant, qui se charge du transfert en promettant de prendre soin du petit. Tous à partir de Joseph BRUTUS ont pris ce chemin.  Combien de ces enfants ont survécu ? La mortalité est terrible pour les enfants trouvés !
A Loudun, un numéro matricule est donné, une nourrice est désignée, le plus souvent dans le village où l'enfant fut exposé, mais parfois ailleurs bien plus loin.
Afin d'éviter les trafics, les substitutions, les enfants exposés portent un collier d'abandon. Métallique, lourd, dangereux, inamovible, il est progressivement remplacé par une boucle d'oreille mentionnant le numéro matricule. Dans la Vienne, on tarde à faire les modifications, les boucles fournies sont de piètre qualité alors qu'il les faudrait en argent, elles sont  en métal leur bord n'est même pas arrondi, source d'infections de blessures. La médecine préventive naissante s'insurge, alarme, exige.
 La Vienne tente de réduire le coût de l'abandon. Des échanges se font d'un département à l'autre, vers la Charente. Les adoptions sont rares dans les premiers registres de Poitiers. Une belle histoire trouvée, pour tant d'enfants esclaves ! En effet, bien souvent, pour ceux qui s'en chargent, ces petits ne sont que main d'oeuvre, moins considérés que le bétail de la ferme.
A douze ans, s'ils atteignent cet âge, livrés à eux mêmes, nombreux finissent mendiants ...

Quinze enfants et une enfin une trace !

 C'est la p'tite Eugénie qui m'a fait signe. Elle apparaît sur la liste nominative des enfants trouvés dont l'hospice de Loudun assure le suivi. Matricule 264. Eugénie trouvée sur le tas de bois appartenant à Patri, elle a passé la nuit dehors, ce 18 janvier, Urbain redevenu cultivateur ne l'a trouvée qu'à six heures du matin.
Eugénie a survécu, elle a exactement 1 an 11 mois et 13 jours.
 Le registre mentionne la nourrice qui s'en occupe encore. Avant son départ d'Angliers, Eugénie avait été confiée à la femme PENNIER. Sur le répertoire de Loudun, c'est la femme PANIER qui est mentionnée.
Laquelle des deux fut sa nourrice ?
A Angliers, on trouve des PENNIER et des PANIER. PANIER, un patronyme à avoir un ancêtre accroché à une porte.
Le patronyme PANIER, à Angliers, c'est celui de l'instituteur.
Se pourrait-il que la p'tite Eugénie dans sa famille d'accueil ait appris... à lire ?

Quinze enfants et un peu d'espoir.


Agnès (13/05/1783)
François (06/09/1785)
Charles (20/11/1788)
Pantaléon (27/07/1789)
André (25/03/1790)
Joseph (1 Thermidor An 2)
Stanislas  (28 Vendémiaire An 4)
Jean  (12 Ventôse an 6)
Louise  ( 7 Fructidor an 8) 
Florence ( 8 Brumaire an 10)
Augustine (15 Frimaire an 11)
Zéphirine (12/09/1808)
Pierre-François (29/06/1809)
Marguerite (09/06/1814)
Eugénie ( 18/01/1832)



dimanche 9 décembre 2012

Eugénie exposée le 18 Janvier 1832 - Angliers (86)


Parmi les quinze expositions d'Angliers, c'est le premier panier que l'on dépose dans un endroit isolé.
Celui ou celle qui livrait ce paquet a-t-il craint d'être surpris, reconnu, a-t-il du prendre la fuite?
A-t-on déplacé ce panier ?
Toujours est-il qu'elle aurait pu rester là trop longtemps cette petite Eugénie. Elle a du crier bien fort la petite Eugénie par cette nuit de janvier. Le temps glacial est toujours trop long, posée à peine à l'abri sur le tas de bois de charpente d'Urbain PATRI. Urbain. PATRI qui avec le temps est redevenu simple cultivateur, et a fini par se défaire du X puis du S de son patronyme.
Eugénie hurle-t-elle toujours au petit matin ? 
Urbain Patri trouve le panier à 6H du matin.
Urbain ne cherche pas de témoin. Ses anciennes fonctions municipales le mettent  peut-être à l'abri des suspicions.
 Les temps changent. Les abandons se multiplient.
Le trousseau ne varie pas.
Le linge du nouveau-né est de qualité, mais aucun mot ne l'accompagne.
Eugénie est confiée à la femme PENNIER nourrice, en attendant d'être confiée comme tous les autres désormais à l'hospice de Loudun.
Peut-être sera-t-elle renommée, confiée à une autre nourrice, adoptée. Nous essaierons d'en savoir plus.
1832, monarchie de Juillet,  le prénom d'une future impératrice et un nom de famille banal aujourd'hui qui raconte la misère d'hier.



L'an mil huit cent trente deux le dix huit du mois de janvier à huit
heures du matin, par devant nous maire, officier de l'état civil de la commune
d'Angliers, canton de Moncontour, département de la Vienne, est comparu
Urbain PATRI cultivateur agé de quarante deux ans, domicilié au bourg
et commune d'Angliers qui nous a déclaré que le dix huit du dit mois
de Janvier sur les six heures du matin étant seul il a trouvé dans
l'avenue du chateau du dit Angliers qui conduit à la grande route de
Loudun à main droite l'endroit appellé la Barrière à deux mètres de distance
de sa porte pour aller à sa cour sur les bois de charpente à lui appartenant
un enfant du sexe féminin lequel nous le présente emmailloté d'un linge
blanc par dessus un langeroux noir munis d'une brassière d'une chemise d'un bonnet
d'indienne rouge une couverture noire Le tout dans une gourbeille, après
avoir visité l'enfant, avons reconnu qu'il était du sexe féminin qu'il
paraissait agé d'environ huit à dix heures, n'ayant aucune marque à
notre apparence ni aucun écrit qui ne nous le fasse reconnaître. De suite avons
inscrit l'enfant sous les noms et prénoms de Eugénie DUBOIS, et avons ordonné qu'il
soir remis à Marie RICHARD femme PENNIER habitante dudit Angliers qu'il veulent se
charger du dit enfant.
De quoi avons dressé Procès verbal en présence de Louis AUCHER laboureur
domicilié au dit Angliers agé de quarante deux ans et de Louis BOUREAU
garde champêtre de la commune d'Angliers agé de vingt neuf ans qui ont
avec nous signé après qu'il en a été donné lecture du contenu du procès
au présent procès verbal;

AD 86 Angliers N 1830/1842 page 13/80
Nom : DUBOIS
Prénom : Eugénie
Date : 18/01/1832
Heure de découverte : 6H du matin
Lieu de découverte : Barrière de l'avenue du chateau
Découvert par: Urbain PATRI cultivateur
Noms des parrain et marraine, témoins : Louis AUCHER, Louis BOUREAU
Description : bon linge
Documents laissés : non
Confié à :  Marie RICHARD femme PENNIER nourrice.


Elle va survivre notre petite Eugénie et  revenir vivre chez la femme PENNIER (PANIER) sa nourrice.
Nous retrouvons sa trace sur les registres de Loudun. 








Eugénie dans son malheur a beaucoup de chance. Marie RICHARD sa nourrice n'est pas mariée à n'importe qui. Jean PENNIER (ou PANIER selon les actes) est sacristain et instituteur, comme indiqué sur l'acte de mariage du 13 juillet 1824 à Angliers



Eugénie apprend peut-être à lire et devient domestique dans la commune de Chalais (Vienne), elle y rencontre Pierre Renoué, terrassier, fils majeur naturel, comme elle. Ils se marient à Chalais le 10 janvier  1854. Toute la famille PENNIER est là. L'un des fils, lui même instituteur est témoin de la promise. Il est indiqué sur l'acte de mariage que Pierre Renoué est né le 18 juin 1825 à Saint-Jean-de-Sauves. Rien n'est mentionné dans le registre de cette commune. Mais l'arbre de Jean Favre, en ligne sur Généanet,  nous délivre un doux secret de famille "Pierre aurait été trouvé à sa naissance sur un tas de pierres dans le village de Renoué, d'où son prénom et son nom, il était vêtu d'habits luxueux!... à vérifier. il a été élevé par un curé, de quelle commune? " 
Les archives des enfants trouvés de Loudun ne sont pas en ligne. 
Toujours est-il que nos deux petits survivants se sont trouvés, se sont aimés et ont eu ensemble 7 enfants

F Eugénie Gabrielle RENOUE 1854-
F Marie RENOUE 1857-1947
H Eugéne RENOUE 1859-1937
F Léonie RENOUE 1862-
H Hypolite RENOUE 1866-1870
H Alfred RENOUE 1869-
H François Alphonse RENOUE 1872-1964

Le 21 aout 1870 Madeleine Pannier (sa nourrice) donne des terres à Eugénie (Source Généanet, arbre de Jean Favre)
- 1901 3 mai décès au Bouchet. AD86


Agnès (13/05/1783)
François (06/09/1785)
Charles (20/11/1788)
Pantaléon (27/07/1789)
André (25/03/1790)
Joseph (1 Thermidor An 2)
Stanislas  (28 Vendémiaire An 4)
Jean  (12 Ventôse an 6)
Louise  ( 7 Fructidor an 8) 
Florence ( 8 Brumaire an 10)
Augustine (15 Frimaire an 11)
Zéphirine (12/09/1808)
Pierre-François (29/06/1809)
Marguerite (09/06/1814)
Eugénie ( 18/01/1832)


Marguerite exposée le 9 Juin 1814 - Angliers (86)


Juin 1814, même scénario, quatorzième enfant, vous êtes rodés.
On accroche le panier, on frappe à la porte, on fuit, après s'est assuré que la porte s'est bien ouverte. Nous verrons bientôt dans une terrible affaire criminelle, que le détail a son importance. Mais c'est une autre histoire...
 La porte s'ouvre,Jean GIGON va chercher des témoins pour se protéger d'une complicité éventuelle avec l'acte d'abandon. Louis Richard CORDIER et Louis NAUDEAU sont là. On décroche le panier.
Et on va ensemble chercher les autorités. On démaillote, on dresse le procès-verbal et enfin on donne à manger au pauvre petit drôle. C'est Marguerite MAUPION qui s'en charge.
A cet air de déjà vu, s'ajoute ici deux belles surprises. Tout d'abord, ce petit papier plié dans le registre.

Trésor d'archives; Il s'agit de l'écrit laissé par celui qui abandonne. On peut à loisir disserter sur l'écriture aisée, l'orthographe très correcte.
Une main de sage-femme ?

messieurs de l'administration chargés de cet enfant
sont priés de le faire enregistrer sous le nom
d'AMINTHE DU BEAU JOUR, elle n'est point baptisée
elle a seulement reçu l'eau - 

Elle a seulement reçu l'eau, un geste de sage-femme ?
Le style du texte.
Souvenez-vous cette prose mi-autoritaire mi-reconnaissante, nous l'avions déjà presque mot à mot pour Zéphirine.
Hélas, impossible d'en comparer les écritures, le précédent nous manque.
Marguerite et Zéphirine seraient-elles soeurs, cousines, venues au monde des mêmes mains ?
Le choix des noms et prénoms, la qualité du linge, incitent à évoquer une  parenté au moins une solidarité voire une complicité selon un contexte que nous ne connaîtrons jamais.
Augustine, Zéphirine, Marguerite, qui tient l'anse du panier et fait le chemin vers Angliers ?

Le neuf du mois de juin mil huit cent quatorze par 
devant nous maire de la commune d'Angliers faisant
les fonctions d'officier civil sur les quatre heures
du matin est comparu Jean GIGON cultivateur agé
d'environ trente ans demeurant au bourg d'Angliers
accompagné de Louis Richard CORDIER agé d'environ
cinquante ans et de Louis NAUDEAU l'ainé cultivateur
agé de soixante ans tous les deux ses voisins les
quels nous ont déclaré que lui Jean GIGON ayant 
entendu vers les minuit frapper à sa porte et
ayant été pour ouvrir n'a trouvé personne ; ayant
aperçu à sa porte un enfant exposé, a été de 
suite frapper à la porte des susdits Louis RICHARD et
Louis NAUDEAU qui sont venus avec lui faire l'enlèvement
du dit enfant ; d'après laquelle déclaration
moi maire susdit et accompagné des dits témoins
me suis transporté de suite au lieu désigné, me suis
fait représenter le dit enfant dont examen ayant 
été fait il a été reconnu être du sexe féminin
qui a paru être né depuis peu, emmailloté d'un 
oreiller de plume couvert d'une toile demi
usée, de deux langes d'étamine grise, de deux
drapeaux de grosse toile, d'une chemise, d'une
brassière de serge de coton, d'un bonnet
de soie rayée avec un écrit contenant ces termes :
messieurs de l'administration chargés de cet enfant
sont priés de le faire enregistrer sous le nom
d'AMINTHE DU BEAUJOUR, elle n'est point baptisée
elle a seulement reçu l'eau - Ce sont là tous les 
objets qu'on a trouvé sur l'enfant dans un panier
d'osier ; sommés les dits témoins s'ils n'avaient aucune
connaissance de l'exposition de cet enfat, ont dit
n'en avoir aucune, ensuite l'avons remis à Marguerite
MAUPION femme POTTIER nourrice pour lui donner
les soins nécessaires moyennant la rétribution attendue
par le gouvernement et avons inscrit l'enfant
sous les nom et prénom de Marguerite AMINTHE 
DU BEAUJOUR ; de quoi avons dressé procès  verbal
en présence des dits Jean GIGON, Louis RICHARD, 
et Louis NAUDEAU soussignés fors Louis RICHARD
qui ne le sait pas ; après que lecture leur a été
faite du contenu du présent procès verbal. 

-----------

Nom : AMINTHE DU BEAU JOUR
Prénom  : Marguerite
Date : 9 Juin 1814
Heure de découverte : minuit
Lieu de découverte : Porte
Découvert par : Jean GIGON, cultivateur
Noms des parrain et marraine, témoins : Louis RICHARD et Louis NAUDEAU
Description : bon linge
Documents laissés : papier avec nom et demande de baptème.
confiée à Marguerite MAUPION femme Pottier nourrice

Pierre-François exposé le 29 Juin 1809 - Angliers (86)


C'est Jacques CORNAY qui la nuit du 29 juin entend les coups à la porte. A la porte... de son voisin Jean PATRIS qui lui n'entend rien. Ou peut-être ne veut-il pas entendre.
En voyant l'enfant, CORNAY cède à la voix de l'humanité, et secoue de plus belle la porte et finit par réveiller le destinataire du colis. Tant d'humanité, qu'il réveille aussi Jacques DUPUIS qui vit dans la même cour. C'est peut-être bien plutôt la femme DUPUIS dont on cherche l'humanité, car c'est elle qui est nourrice. Encore une fois, le panier est accroché à la bonne porte.
Celui ou celle qui abandonne connait bien les membres de ce village et son geste est préparé.
Pierre-François est enfant de petites gens, son panier est sale, sa layette usée. Aucun papier n'est retourvé.
C'est Marie TURQUIN qui va le nourrir, la femme DUPUIS, en attendant qu'on l'envoie à Loudun, puisque la procédure est désormais habituelle.
L'interrogatoire s'assure que les témoins n'ont eu aucune connaissance préalable de l'exposition.
On décide d'appeler cet enfant DESORME. Pourquoi ? Pourquoi pas. Ce patronyme se retrouve essentiellement au Nord et au Sud-Est de la France. On ne trouve aucun DESORME ni sur les relevés GE86, ni sur ceux du CGP.


Aujourd'hui vingt neuvième jour de juin mil huit cent
neuf, à sept heures du matin, pardevant nous maire de la commune
d'Angliers, canton de Moncontour, arrondissement de Loudun, département
de la Vienne, faisant les fonctions d'officier public de l'état
civil, est comparu Jacques CORNAY journalier agé de trente six ans, 
demeurant au bourg d'Angliers, accompagné de Jean PATRIS
sabotier agé de quarante trois ans et de Jacques DUPUIS charpentier
agé de trente huit ans, tous les deux ses voisins lesquels nous ont déclaré
ce qui suit ; que lui Jacques CORNAY ayant entendu vers les trois heures 
du matin frapper plusieurs coups à sa porte et ayant été pour
ouvrir, il n'a trouvé personne, mais a apperçu à la porte du dit
Jean PATRIS qui fait face à la sienne, un enfant exposé ; que cédant
à la voix de l'humanité qui parlait en faveur de cet enfant, il a 
été frapper à la porte des dits Jean PATRIS et Jacques DUPUIS
habitans tous les deux dans la même cour et qui sont venus
avec lui faire l'enlèvement du dit enfant ; d'après laquelle
déclaration, moi maire susdit, accompagné des dits témoins, me 
suis transporté de suite au lieu désigné et me suis fait représenter
le dit enfant dont examen ayant été fait, il a été reconnu être
de sexe masculin, agé depuis très peu de temps, emmailloté
d'un oreiller de mauvaise plume, le dit oreiller en toile blanche
et usée, de deux langes dont l'un d'étamine grise et l'autre
de toile blanche, d'une chemise de linge usé et une coulisse
de soie rouge, qui sont tous les vêtements dont le dit enfant
était couvert, n'ayant d'ailleurs trouvé sur lui aucun papier
pour le faire un jour reconnaitre. Sommés, les dits témoins,
s'ils n'avaient connaissance de l'expositioin du dit
enfant, ont dit n'en avoir aucune : et aux fins de procurer 
à icelui les secours dont il pouvait avoir besoin, avons ordonné
qu'il fut remis provisoirement à Marie TURQUIN nourrice, 
femme dudit Jacques DUPUIS, laquelle nous a promis en
avoir tous les soins convenables jusqu'à ce qu'il en fut autre
ment ordonné. De suite avons inscrit l'enfant sous les noms
et prénomns de Pierre François Joseph Désorme. 
De quoi avons dressé un procès verbal en présence des dits Jacques
Cernay, Jean Patris, et Jean Dupuis qui ont déclaré ne savoir 
signer, fors le sous signé après que lecture leur a été faite 
du contenu du dit procès verbal . un mot rayé nul. 


Source : AD 86 Angliers N 1801/1814 page 40/78
Nom : DESORME
Prénom  : Pierre François
Date : 29 juin 1809
Heure de découverte : 3H du matin
Lieu de découverte : à la porte de Jean PATRIS et Jacques DUPUIS (marié à une nourrice)
découvert par : Jacques CORNAY journalier
Noms des parrain et marraine, témoins : Jean PATRIS et Jacques DUPUIS
Description : Bon linge
Documents laissés : non.
confié à Marie TURQUIN nourrice, femme dudit Jacques DUPUIS.

samedi 8 décembre 2012

Zéphirine exposée le 12 septembre 1808 - Angliers (86)


Cette fois, Jeanne TETE-FOLLE avertit elle-même les autorités. On a frappé à sa porte, vers minuit. Elle, son mari Louis, Jacques et René Tete-folle cultivateurs ont accouru et trouvé "couché sur la terre" un enfant exposé, emmailloté dans un oreiller de plumes de poules, couvert de sa souille, avec une layette en bon état et un papier contenant ces mots :
"messieurs les administrateurs chargés du soin de cet enfant, sont
invités de le faire baptiser et enregistrer sous le nom de Zéphirine
ULFANIE, ils obligeront infiniment ceux à qui il appartient"
Le message est clair, voire autoritaire. Qui écrit ? Sans doute pas la mère de l'enfant. Plutôt un intermédiaire. Il ordonne plus qu'il n'implore. Il semble habitué à être écouté. C'est la première fois que s'ajoute à une demande de soins, la demande d'un baptème. Quel déchirement, quel dilemne dans ces quelques lignes, on y ressent un certain fatalisme emprunt d'un immense regret. Complice familial ? Sage-femme ?
Si Zéphirine s'est retrouvée seule à la porte, le temps qu'elle s'ouvre, quelqu'un sans doute dans l'ombre veillait et sa maman n'était probablement pas seule lorsqu'elle l'a mise au monde.
Zéphirine, est enfant du secret, mais pas de la misère, hélas il est des secrets qui rendent tristement misérables.

Aujourd'hui douzième jour de septembre mil huit
cent huit, moi maire sous signé faisant les fonctions d'officier
public de l'état civil, sur l'avertissement qui m'a été fait
cejourd'hui par Jeanne TETE-FOLLE épouse de Louis TETE-FOLLE
journalier demeurant au bourg d'Angliers, de l'exposition d'un 
enfant trouvé à sa porte, me suis transporté au domicile des dits
TESTE-FOLLE lesquels, en présence des citoyens Jacques et René
TETE-FOLLE, tous les deux cultivateurs et domiciliés de cette commune
témoins à ce requis, m'ont déclaré que cette nuit environ minuit
l'on avait frappé à leur porte, que les dits y ont accouru pour
savoir ce que c'était, qu'ils ont reconnu que c'était un enfant exposé
et couché sur la terre, emmailloté dans un oreiller de plumes
de poules, couvert de sa souille, le tout en toile, deux langes
d'étamine grise, deux drapeaux, des brassières d'étamine blanche
une coulisse en toile, une chemise et un papier contenant ces mots,
(messieurs les administrateurs chargés du soin de cet enfant, sont
invités de le faire baptiser et enregistrer sous le nom de Zéphirine
ULFANIE, ils obligeront infiniment ceux à qui il appartient)
examen fait dudit enfant, il a été reconnu être de sexe féminin
et vu le besoin d'aliments nécessaires au dit enfant, avons engagé
la dite Jeanne TETE-FOLLE nourrice d'alimenter provisoirement
cet enfant, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, ensuite
avons sommé les dits Jacques et René TETE-FOLLE de nous déclarer
s'ils n'avaient aucune autre connaissance de l'exposition du 
dit enfant, et ont dit n'en avoir aucune autre. fait et arrêté
en présence des dits témoins et des dits Jeanne et Louis TETE
FOLLE, les jours mois et an que dessus, et ont dit témoins
signé avec nous, Louis et Jeanne TETE-FOLLE ayant déclaré ne
le savoir de ce enquis. 
Signé en la minute NAUDEAU maire, Jacques et René TETE-FOLLE

D'après la lecture de ce procès verbla que les dits
témoins ont déclaré être conforme à la vérité, et la réprésentation
qui m'a été faite de l'enfant qui y est désigné, j'ai 
en conformité de l'écrit trouvé sur le dit enfant, donné à 
icelui le nom de Zéphirine ULFANIE, et j'ai rédigé en
vertu des pouvoirs qui me sont délégués, le présent act que 
les dits témoins ont signé avec moi, les dits Louis et Jeanne
TETE-FOLLE ayant déclaré ne le savoir. 


Source : AD 86 Angliers N 1801/1814 page 34/78
Nom : ULPHANIE
Prénom  : Zéphirine
Date : 12 septembre 1808
Heure de découverte : Minuit
Lieu de découverte : Porte
découvert par : Jeanne BOURDIER, Jacques et René TETE-FOLLE
Noms des parrain et marraine, témoins :
Description : Bon linge
Documents laissés : Papier avec nom, prénom et demande de baptème.
confiée à Jeanne BOURDIER nourrice, épouse TETE-FOLLE.

Augustine exposée le 15 Frimaire An XI - Angliers (86)


Un an plus tard (1802) on prend les mêmes et on recommence... La petite Augustine est accrochée à la porte du Journalier TETE-FOLLE qui l'a bien sur les épaules et s'empresse de mettre l'enfant à l'abri, en frimaire il fait un temps de décembre ! Pour se protéger au mieux des ennuis possibles, il appelle des témoins, Jean PANIER l'instituteur (Panier serait-il un descendant d'enfant exposé?) et Vincent PATRI le sabotier. Une fois de plus le panier est accroché à la porte d'une nourrice, Jeanne BOURDIER qui se chargera d'alimenter la petite après l'avoir démaillotée pour qu'un procès-verbal établisse la liste de ses effets et l'état dans lequel l'enfant se présente.
La layette est propre et soignée, l'oreiller de plume, encouété il doit disposer d'une taie,  la cotonnade de couleur et la toile de qualité (serge).
Un écrit demande qu'on la nomme Augustine MIRTALLE, ce qui sera fait
Google refuse de m'aider à comprendre MIRTALLE, me renvoie à Myrtille ou Arcelor... Pour Augustine, la vie n'est pas d'la tarte et c'est déjà un combat.

Aujourd'hui quinzième jour de frimaire onzième
année républicaine, nous maire et adjoint de la commune
d'Angliers, d'après l'avertissement à nous donné par le
citoyen Charles TETE-FOLLE journalier demeurant au
bourg d'Angliers, de l'exposition d'un enfant trouvé 
à sa porte, nous sommes transportés au domicile 
du dit TETE-FOLLE, lequel, en présence des citoyens
Jean PANIER instituteur et Vincent PATRI sabotier
demeurant au dit bourg d'Angliers et témoins à nous
requis, nous a déclaré qu'hier au soir environ minuit
on avait frappé à sa porte, et qu'y étant accouru
pour ouvrir, il y avait trouvé un enfant emmaillotté
qu'aussitôt il avait appelé les témoins ci-dessus désignés
pour faire la levée de l'enfant, afin de lui faire donner
ensuite tous les secours dont il pourrait avoir besoin
ce oui et en présence des dits témoins nous nou s
sommes faits présenter le dit enfant lequel nous a
paru avoir très peu de jours, emmailloté d'un oreiller
de plume d'oie, le dit oreiller en couété et garni d'une
souille de cotonade bleue, deux langes d'étamine
grise, deux drapeaux, une brassière de serge bleu
une chemise, une petite coulisse et un papier contenant
ces mots, augustine MIRTALLE, et examen fait du dit 
enfant, il a été reconnu être féminin. Vu le besoin 
d'aliments nécessaires au dit enfant, avons engagé
la citoyenne Jeanne BOURDIER femme TETE-FOLLE pour 
alimenter provisoirement l'enfant jusqu'à ce que l'on 
y ait pourvu autrement. Sommés, les dits PANIER et 
TETE-FOLLE, les jours et an que dessus et ont les ci dessous
dénommés, déclaré ne savoir signer, hors le sous signé
Signé en la minute NAUDEAU maire, PONCET adjoint, 
PANIER instituteur. 

D'après la lecture de ce procès verbal que les dits Jean
PANIER et Vincent PATRI ont déclaré être conforme à la 
vérité et la représentation qui m'a été faite de
l'enfant qui y est désigné, j'ai en conformité de
l'écrit trouvé sur le dit enfant, donné à icelui le nom
d'Augustine MIRTALLE, et j'ai rédigé en vertu des
pouvoirs qui me sont délégués, le présent acte que
le citoyen PANIER a signé avec moi, le citoyen Vincent
PATRI ayant déclaré ne savoir signer. 

Source : AD 86 Angliers N - 1798/1806 page 20/43
Nom : MIRTALLE
Prénom  : Augustine
Date : 6 décembre 1802
Heure de découverte : minuit
Lieu de découverte : Porte
découvert par : Charles TETE-FOLLE
Noms des parrain et marraine, témoins : Jean PANIER instituteur et Vincent PATRI sabotier
Description :bon linge
Documents laissés :oui avec nom et prénom
Confié à Jeanne BOURDIER femme TETE-FOLLE, nourrice.

Florence exposée le 8 Brumaire An X - Anglliers (86)


C'est Henri Joseph REGNIER, le tailleur qui se précipite lorsqu'on heurte à sa porte. Habitude ? Il y trouve cette nuit de novembre un panier accroché, qu'il s'empresse de mettre à l'abri. Une fois de plus cette porte n'a pas été choisie au hasard, la femme du tailleur est nourrice.
Emmaillotée dans un oreiller sans souille (sans taie), la layette du nouveau-né est en toile d'indienne. La toile d'indienne est une étoffe imprimée aux couleurs gaies, qui commence à devenir à la mode. Ce détail en dit long sur l'enfant perdu, comme le petit mot qui l'accompagne et lui donne un nom : Florence OLIMPE.
Quel joli nom, quelle élégance ! OLYMPE en écho à Madame De Gouge la révolutionnaire ? OLIMPE pour signifier que si les choses changeaient aussi pour les femmes, un peu plus vite, un peu vraiment, les paniers ne s'empliraient pas des fruits de l'amour ?

L'abandon est de tous les milieux sociaux, de tous les désespoirs...
Jeanne SENNEGON la femme du tailleur est chargée d'alimenter Florence et Joseph son époux de s'organiser pour l'amener à l'hospice de Loudun, après qu'il ait été enregistré à la mairie.



Aujourd'hui dix huitième jour de Brumaire, dixième
année républicaine, pardevant moi Jean PONCET adjoint
de cette commune, faisant dans l'absence du maire les
fonctions d'officier public de l'état civil, sous signé est
comparu en la maison commune le citoyen Louis NAUDEAU
assesseur de la justice de Paix de Martaizé, faisant pour l'em
pêchement du juge de paix du dit Martaizé, le dit NAUDEAU
demeurant au bourg d'angliers, lequel assisté des citoyens
Casimir AUBIN marchand et Jean NAUDEAU cultivateur demeurant
au dit bourg d'Angliers, m'a déclaré qu'ayant été informé
qu'un enfant était exposé au bourg susdit, il s'était transporté
sur le lieu et y avait rédigé le procès verbal dont la teneur suit. 

Le dix huit Brumaire an dix de la république
française une et indivisible, nous Louis NAUDEAU assesseur
de la justice de paix de Martaizé, faisant pour l'empê-
-chement du juge de paix, ayant été informé par Henri
Joseph REGNIER tailleur d'habits demeurant au bourg d'Angliers
qu'hier au soir environ minuit on avait heurté à sa porte
qu'y étant accouru, il avait trouvé un enfant emmailloté et sur
le champ il l'avait entré dans sa maison. En conséquence,
nous assesseur susdit faisant comme dit est, sommes en 
présence des citoyens Casimir AUBIN marchand et Jean
NAUDEAU cultivateur demeurant au bourg dudit Angliers
transporté au domicile dudit REGNIER ou étant dans la
principale chambre en présence desdits témoins, le dit REGNIER
nous a présenté un enfant lequel nous a paru avoir très peu d'age,
être emmailloté d'un oreillé
sans souille, d'un petit mouchoir d'indienne
brune, une coulisse d'indienne fond blanc, d'une petite
brassière en serge brune et de trois petites chemises ; lequel
enfant a été reconnu être féminin que le besoin d'aliments
nécessaires au dit enfant, avons engagé la citoyenne Jeanne
SENNEGON femme REGNIER, nourrice, d'alimenter provisoirement
l'enfant jusqu'à ce qu'on y ait pourvu autrement. Ordonnons
au dit REGNIER de transporter ou faire transporter icelui
enfant à l'hospice de ville de Loudun, et que préalablement
il le fasse enregistrer sur le registre de naissances de la
commune d'Angliers. 

Fait et arrêté en présence des dits témoins, du dit REGNIER et 
sa femmme, les jours et an que dessus, et ont tous les témoins
déclaré ne savoir signer, de ce enquis, fors le sous signé. 
Signé en la minute, NAUDEAU assesseur, AUBIN.

D'après la lecture de ce procès verbal que les dits Casimir
AUBIN et Jean NAUDEAU ont déclaré être conforme à la vérité, 
et la représentation qui m'a été faite de l'enfant qui y est
désigné, j'ai en conformité de l'écrit trouvé sur ledit enfant,
par lequel écrit on parait désirer que cet enfant soit nommé
Olimpe, donné à icelui enfant le nom d'OLIMPE et le prénom 
de Florence, et j'ai rédigé en vertu des pouvoirs qui me sont délégués
le présent acte que le citoyen NAUDEAU assesseur du juge de paix a
signé avec moi ainsi que le dit citoyen AUBIN, le citoyen Jean
NAUDEAU ayant déclaré ne savoir signer. 


Nom : OLYMPE
Prénom  : Florence
Date : 9 novembre 1801
Heure de découverte : minuit
Lieu de découverte : Porte
découvert par : Henri-Joseph REGNIER tailleur d'habits
Noms des parrain et marraine, témoins : Casimir AUBIN marchand et Jean NAUDEAU cultivateur
Description :bon linge
Documents laissés : oui avec indication de nom et prénom
Confié à  Jeanne SENNEGON femme REGNIER, nourrice

vendredi 7 décembre 2012

Louise exposée le 7 Fructidor An VIII - Angliers (86)


En voilà une idée originale ! Louise est exposée à la porte de l'église ! C'est bien la première fois que ça arrive sur Angliers ! Changement de siècle, nous voilà en 1800.
Le scénario lui change peu.
Ce sont PINBERT et COCU qui ont trouvé la petite, en allant au travail de très bon matin, vers les quatre heures.
Accrochée à la porte du ballet de l'église. Le ballet de l'église n'a rien à voir avec une buanderie, c'est une petite avancée couverte à coté voire de chaque coté de la porte principale, destinée à abriter les bavards après la messe, les jours de pluie. Endroit idéal donc pour y déposer un panier d'abandon.
Pour la première fois, l'enfant semble avoir été démaillotée par un homme, en effet dans les témoins réunis on ne compte pas de femme.
La p'tite Louise n'est pas richement vêtue, ceux-ci sont un peu usés, mais propres.
Pour la première fois on décide de l'envoyer sans attendre à l'hospice de Loudun, preuve que la structure d'accueil est disponible. C'est Jean BOULET journalier qui se charge du transfert.
 On  donne tout simplement à cette enfant  le nom de DU BALLET, une manière de ne pas mettre la poussière sous les tapis.
En souhaitant que ce patronyme éponyme en ait fait une sorcière plutôt qu'une ménagère !



Aujourd'hui septième jour de Fructidor quatrième
huitième année républicaine à quatre heures du soir, par devant
moi André NAUDEAU maire de cette commune, faisant les fonctions
d'officier public de l'état civil, sous signé est comparu en la maison
commune le citoyen DABADIE  juge de paix du canton de Martaizé
et y demeurant lequel assisté des citoyens Nicolas PINBERT cultivateur
domicilié de la commune de Chalais et Vincent COCU journalier domicilié
en cette commune, m'a déclaré qu'ayant été instruit qu'un enfant
était exposé en cette commune, il s'était transporté sur le lieu
et y avait rédigé le procès-verbal dont la teneur suit :

Aujourd'hui septième jour de Fructidor, an huit de la république
française une et indivisible, sur les deux heures de relevée
Nous juge de paix du canton de Martaizé ayant été informé
que dans la matinée de ce jour, sur les quatre heures du matin les citoyens
cy-après nommés auraient trouvé à la porte de l'église de la commune
d'angliers un enfant exposé ; en conséquence sur le dit avertissement nous
juge de paix susdit accompagné de notre greffier, nous sommes transportés
en la dite commune d'angliers, où étant les citoyens Nicolas
PINBERT cultivateur demeurant commune de Chalais et Vincent COCU
journalier demeurant dite commune d'Angliers, nous ont dit avoir trouvé
le dit enfant exposé à l'heure ci-dessus dite, en conséquence en leur présence
et de celle du citoyen André NAUDEAU maire de la dite commune, avons
effectivement reconnu que c'était un enfant né depuis très peu de temps
exposé dans un panier d'ozier, suspendu à la porte du ballet de la dite
église ; examen fait de l'enfant par les dits témoins, il a été réconnu être
du sexe féminin, être emmailloté d'un oreiller de plume de poule
entier en mauvaise toile, d'un lange de foulée grise, un autre d'étamine
même couleur, deux petites chemises de linge usé, une petite paire de
brassières de ras bleu, une petite coulisse pour servir de bonnet, qui sont
tous les vêtements dont le dit enfant était couvert : sommés les dits PINBERT
et COCU s'ils n'avaient aucune connaissance de l'exposition du dit
enfant ont dit n'en avoir aucune. En conséquence de tout quoi, pour
subsistance d'icelui, en vertu de la loi du vingt sept frimaire an
cinq, ordonnons qu'icelui enfant sera transporté sur le champ à l'hospice
civil de Loudun par Jean BOULET journalier demeurant au bourg d'Angliers
lequel ici présent a accepté la dite commission et à promis de transporter
le dit enfant au lieu ci dessus désigné avec le plus grand soin
de tout quoi avons donné acte.

Fait et rédigé le présent procès verbal en présence des témoins sus nommés
et du dit NAUDEAU auquel expédition
des présentes sera sur le champ délivrée. Ont les témoins
déclaré ne savoir signer et le dit citoyen NAUDEAU a avec nous
signé.
Signé en la minute, NAUDEAU maire, DABADIE juge de Paix,
et dessous greffier sous signé BUZET.

D'après la lecture de ce procès-verbal que les dits Nicolas
PINBERT et Vincent COCU ont déclaré être conforme à la vérité
et la représentation qui m'a été faite de l'enfant qui y est désigné
j'ai donné à cet enfant le nom de Louise DU BALET et j'ai rédigé
en vertu des pouvoirs qui me sont délégués, le présent acte que le
citoyen DABADIE juge de paix a signé avec moi, les témoins
ci-dessus dénommés ayant déclaré ne savoir signer.


Source : AD 86 Angliers NMD 1793/1801 page 119/134
Nom : DUBALLET
Prénom  : Louise
Date : 25 Aout 1800
Heure de découverte : 4H du matin
Lieu de découverte : Porte de l'église
Découvert par : Nicolas PINBERT et Vincent COCU, journaliers
Noms des parrain et marraine, Témoins : Jean BOULET journalier
Description : mauvais linge
Documents laissés : non