mercredi 14 mars 2012

Marquet Pierre Emmanuel - Chenevelles.



M. Laglaine ( qui a desservi la paroisse pendant 55 ans, de 1847 à 1901), curé de Chenevelles, raconte la vie de son prédécesseur sous la Révolution :

Pierre Emmanuel Marquet, curé de Chenevelles, Juin 1786 - 1828.

Nommé curé de Chenevelles en Juin 1786, M. Marquet y exerçait les fonctions de culte au moment de la révolution. Né à Poitiers où son père était procureur, il passa sa première enfance à Badard, village de la Chapelle-Roux. Sa famille y possédait une petite propriété. Attaché à sa paroisse, il vit sans doute avec beaucoup de peine les commencements alarmants et toujours progressifs de la tourmente révolutionnaire. Ses jours mêmes cessèrent d'être en sureté au milieu de son troupeau. Un ardent patriote du bourg menaçait de le tuer s'il le voyait sortir de chez lui. Après s'être caché tantôt chez les uns, tantôt chez les autres de ses paroissiens et voyant les évènements se compliquer de plus en plus, il décida enfin à quitter son poste. Il alla chercher comme tant d'autres sur la terre étrangère le repos et la sécurité qu'il ne pouvait trouver dans sa patrie, emportant avec lui la gloire d'avoir refusé le serment à la Constitution civile du clergé. Il partit pour l'Espagne à la fin de Juin 1792 si on juge par son dernier acte qui est en date du 19 Juin (ADV Chenevelles 1792 page 5). Il y resta jusqu'au milieu de 1801. La tradition rapporte qu'en passant près de Civray il y fut reconnu et arrêté par des moissonneurs qui lui coupèrent son catogan avec une faucille.
Alarmés par les premiers exploits de la Révolution, les habitants de Chenevelles étaient plutôt vivement pénétrés de douleur pour ces tristes nouveautés qu'ils ne s'y sentaient entrainés. Les jeunes gens de la Paroisse ayant ouvertement refusé de s'enrôler sous les drapeaux, leur refus attira sur eux la foudre de la municipalité de Châtellerault qui envoya aussitôt des hommes armés pour les faire rentrer dans le devoir. Mais résolus de repousser la force par la force, plutôt que de céder, ils tirèrent sur les représentants de la force publique. Ceux-ci portèrent aussitôt plainte au district. Bientôt, deux cents patriotes décidés à tout, proférant les menaces les plus horribles dans leur emportement, arrivèrent dans la commune. On ne fit cette fois aucune résistance. Le club forcené commença par donner libre cours à sa fureur anti-religieuse. On se précipita dans l'église pour y renverser et y briser tout ce qui y était. Un, entre autres, ayant voulu abattre une statue, elle tomba sur lui et le blessa grièvement. Ce misérable s'écria dit-on dans sa rage : " Suis-je venu ici pour me faire tuer par le bon Dieu de Chenevelles ? "
Quand on eut mis en pièces tout ce qui était dans l'église, on entassa les débris sur la place et on y mit le feu. Pendant ce temps, les patriotes affublés d'aubes, d'étoles et tenant dans leurs mains les vases sacrés dansaient autour du feu de joie, proférant les plus horribles blasphèmes. Puis, ils alimentèrent le feu avec les ornements dont ils s'étaient revêtus. Tout devint ainsi la proie des flammes, à part quelques nappes et linges d'autel qu'un patriote du bourg détourna au profit de sa femme qui s'en servit à habiller ses enfants. On ne sait ce que devinrent les vases sacrés. Tout porte à croire qu'ils furent portés à Châtellerault. Ce qui est certain c'est qu'on fit rendre à cette ville trois cloches de l'église sur quatre qu'elle possédait. Ces attentats sacrilèges furent commis par des étrangers. Il n'y eut dans toute la paroisse que quatre ou cinq personnes au plus qui se montrèrent partisans du parti révolutionnaire et s'amendèrent d'ailleurs plus tard.
Pendant l'exil de M. Marquet, le service religieux de la paroisse fut fait par M. Savaton, curé jureur (prêtre assermenté) de Fressineau, jusqu'à l'arrivée en novembre 1792 d'un M. Auger, prêtre constitutionnel envoyé de Châtellerault. Ce M. Auger était probablement vicaire de Saint Jacques. Les offices étaient peu fréquentés et encore beaucoup y venaient-ils pour entendre la messe sans réfléchir sur les conséquences de leurs démarches. Le prêtre intrus, dont le ministère était à peu près nul resta à peine un an à Chenevelles. Il retourna à Châtellerault où il devint commis d'un M. Laurence et où l'on croit qu'il s'est marié.
Depuis le départ de M. Auger, il ne vint point d'autre prêtre jusqu'au retour de M. Marquet. Après 9 années d'absence, passées en Espagne, ce dernier revint dans sa paroisse en Octobre. Son premier acte est signé du 20 Octobre 1801. En attendant que les églises fussent rendues au culte, il célébra les saints mystères dans la grange de la Veuve Guiton au bourg, il y fit même une première communion ( les maisons Marcoux et Cognée occupent maintenant l'emplacement de cette grange). Ne pouvant non plus rentrer au presbytère qui avait été vendu, il habite longtemps tantôt en Bas-Poirier ou bien au bourg ou bien encore dans différentes maisons du bourg.
M. Tuscan de Châtellerault fut le premier acquéreur de la cure et de la métairie (La maison Larcher) qui y était adjointe. Plus tard, Mme La Goderie de la Gabillère acheta de M. Tuscan tous les biens curiaux et les revendit en communauté à MM. Morain et Laglaine de Châtellerault. Enfin, M. François Serreau propriétaire au bourg et Benoît Marquet, frère du curé les achetèrent en dernier lieu et vendirent pour la commune à M. D'Argence alors maire, le presbytère, moyennant la somme de Quinze cents francs, dont acte fut passé le 18 Juin 1820 chez Maitre Collet Notaire à Archigny.
Il n'y eut point de résistance au concordat : trois familles seulement embrassèrent le parti de la dissidence. Elles ont maintenant complètement disparu.
Jouissant enfin de la tranquilité après ses longues années d'exil, M. Marquet put exercer son ministère en paix. Si ses paroissiens furent attachés à sa personne, c'était plus probablement en raison des services qu'il leur rendait , soit en exerçant la médecine et la chirurgie, soit en les conseillant dans les démarches à prendre dans les procès qu'il ne détestait pas lui-même, que par estime pour ses vertus sacerdotales.
Tous ceux qui l'ont connu, s'accordent à dire qu'il était passionné pour la chasse et y passait partie de la semaine. Il portait ordinairement l'habit laïque, ne prenait la soutane que pour les offices. Il célébrait rarement la messe sur la semaine. Il a même passé quelques mois sans la dire le dimanche pour punir ses paroissiens de ce qu'ils ne voulaient pas lui acheter le presbytère. Sur la fin, sa conduite était notoirement scandaleuse, il fut frappé d'interdit par l'autorité diocésaine. Il quitta Chenevelles à la fin de 1827 pour se retirer aux Ormes où il est mort en refusant les sacrements.
Il fut curé de Chenevelles pendant près de 42 ans, de 1786 à 1828.





4 commentaires:

  1. Mon Dieu !!! quelle histoire !!!

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  2. Très intéressant, merci ! Où peut-on consulter les notes du curé LAGLAINE ? S'agit-il d'un manuscrit ou ont-elles fait l'objet d'une publication ?

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  3. Bonjour Olivier, ces notes m'ont été confiées par un généalogiste et je n'ai pas encore pris le temps d'en retrouver les sources. Je dois pouvoir trouver de nombreuses données aux ADV et je vais me pencher sur le sujet, car je sais que les descendants des Marquet sont nombreux et curieux d'en savoir plus. La commune de Chenevelles a beaucoup travaillé sur ses archives, il doit y avoir sur place des données à consulter. Si vous trouvez des infos n'hésitez pas à les partager ! A bientôt !

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  4. Bonjour Gloria, et merci. En effet, les Marquet sont nombreux, j'en sais quelque chose ! :-) Je dois avoir déjà quelque part un petit dossier sur ce pittoresque curé, je vais essayer de remettre la main dessus et vous tiendrai informée. Bien à vous.

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