mardi 11 décembre 2012

Quinze exposés d'enfants. Angliers (86)



Quinze exposés d'enfants plus tard, il faut repasser commande de café, l'UMP a toujours deux papas en instance de divorce, et la RFG nous apprend que  Lorphelin, notre mère carabine à tous, a failli s'appeler Laporte. J'ai rencontré l'ami Fred aux Archives de la Vienne, en quête d'un enfant trouvé, qui nous vaut un article très émouvant...

Quinze exposés plus tard, que nous disent ces enfants d'Angliers ?

Quinze enfants et cinq régimes.
 De l'ancien régime à la monarchie de Juillet. Les protagonistes se suivent, certains prennent des responsabilités (PATRI...S ou X) puis les perdent, nous connaissons le boulanger, les responsables municipaux, les juges de paix, les nourrices... La plume passe du curé à l'agent municipal, le juge de paix établit un procès-verbal. Cette modification de la procédure nous apporte quantité de détails sur les circonstances de l'abandon et les protagonistes de la découverte.

Quinze enfants et deux lois.
Sous l'ancien régime, le curé rappelle une fois l'an, l'édit d'Henri II, Février 1556,  qui oblige les célibataires et les veuves à déclarer leurs grossesses. Nous retrouvons fréquemment ce texte dans les archives paroissiales.
Nouvelle époque, nouvelle loi. 28 Juin 1793, fait obligation à la Nation de s'occuper des enfants abandonnés. On les nommera désormais orphelins. Le Juge de paix est tenu de dresser un procès verbal mentionnant tous les indices (age probable, description, vêtements, indications). Une fois fait, l'officier d'état civil à la suite, déclare l'enfant et lui donne un nom et prénom.

Quinze enfants et trois lieux d'abandon.
 La plupart du temps les enfants sont laissés à la porte du château,  d'une maison, le panier accroché, à l'aide d'une cordelette, au heurtoir, en hauteur, afin de le mettre à l'abri des animaux errants. Avant de disparaitre dans la nuit, l'adulte frappe à la porte, encore et encore. Il arrive quelquefois que le locataire fasse la sourde oreille, souvent alors un voisin se manifeste, tandis qu'une ombre fuit.
Nous verrons dans certaines affaires criminelles que la procédure a son importance. Abandonner est toléré, certains, curieusement, se vantent même d'avoir émis l'idée. A la ville l'abandon s'est organisé. Des tours sont mis en place, de l'autre coté du tourniquet, l'enfant est accueilli. A la campagne, pour offrir une petite chance à l'enfant, il faut tambouriner à la porte et le mieux est qu'on y trouve derrière une nourrice. Affaires de femmes, ce sont néanmoins la plupart du temps, leurs hommes qui vont déclarer l'exposition.
Zéphirine laissée au sol, Eugénie sur un tas de bois, au froid de janvier, Louise au ballet de l'église... Parfois les choses se compliquent, l'angoisse étreint, précipite la peur d'être découvert, reconnu, et pousse à fuir vite trop vite.

Quinze enfants et quatre saisons.
L'abandon est de tous les mois de l'année, printemps, été, automne, hiver, la nuit, après minuit. Combien de temps survit-on dans un panier par une nuit d'hiver ? Je n'ai pas cherché dans les actes de décès d'Angliers si certains avaient été retrouvés trop tard.

Quinze enfants et quelques langes.
Le juge de paix détaille : l'état de propreté global,  la nature des plumes de l'oreiller (oie, poules), la présence d'une souille (taie d'oreiller), la liste des vêtements, leur qualité, la nature des toiles utilisées (étamine, serge, indienne, mousseline, soie), les couleurs ou impressions, l'état d'usure. Autant d'éléments qui permettront de rendre l'enfant s'il est réclamé et qui indicent sur l'anticipation, le milieu social, le temps pris à préparer ce panier, les soins apportés au nouveau-né.

Quinze enfants et trois écrits identifiants.
Un petit papier trouvé dans un bonnet, gardé dans un registre. Un nom, un prénom, quelques recommandations, et parfois l'expression d'un sentiment. Douleur, regret, inquiétude. Quelques mots pour un scénario. Qui écrit ? Une sage-femme qui connait toutes les nourrices d'Angliers et la mansuétude des autorités ? La patronne autoritaire d'une petite bonne qui simplifie la gestion domestique de son domaine ? Une femme épuisée qui suspend seule au crochet d'une porte fermée le fruit amer d'une douleur adultère ? Qui est aidée ? Qui tient l' anse du panier ? Qui récidive ?
 Pourquoi Angliers ?

Quinze enfants et une trace.
Que sont-ils devenus ? Rien sur les relevés des clubs régionaux (CGP ou GE86), ni dans les mariages, ni dans les décès. Ont-ils changé de nom ? Ont-ils changé de lieu ? Ont-ils survécu ?

Quinze enfants et la série 3X aux AD86.
C'est là qu'il faut chercher réponse à ces questions.

L'abandon semble se régler en local sous l'ancien régime. Le curé baptise, confie à une nourrice, certains petits iront sans doute à l'hospice le plus proche (Loudun), quand d'autres grandiront dans une famille, travailleront dans une autre ou mendieront, errants de village en village...

A la Révolution, on organise et répertorie les enfants exposés.
Trouvés dans le village, ils sont dans un premier temps confiés à une nourrice, le plus souvent celle qui vit derrière la porte où ils furent accrochés. Une fois les déclarations faites, l'enfant est envoyé à l'hospice le plus proche. Pour les enfants d'Angliers, il s'agit de celui de Loudun. C'est un citoyen du village, impliqué dans la découverte de l'enfant, qui se charge du transfert en promettant de prendre soin du petit. Tous à partir de Joseph BRUTUS ont pris ce chemin.  Combien de ces enfants ont survécu ? La mortalité est terrible pour les enfants trouvés !
A Loudun, un numéro matricule est donné, une nourrice est désignée, le plus souvent dans le village où l'enfant fut exposé, mais parfois ailleurs bien plus loin.
Afin d'éviter les trafics, les substitutions, les enfants exposés portent un collier d'abandon. Métallique, lourd, dangereux, inamovible, il est progressivement remplacé par une boucle d'oreille mentionnant le numéro matricule. Dans la Vienne, on tarde à faire les modifications, les boucles fournies sont de piètre qualité alors qu'il les faudrait en argent, elles sont  en métal leur bord n'est même pas arrondi, source d'infections de blessures. La médecine préventive naissante s'insurge, alarme, exige.
 La Vienne tente de réduire le coût de l'abandon. Des échanges se font d'un département à l'autre, vers la Charente. Les adoptions sont rares dans les premiers registres de Poitiers. Une belle histoire trouvée, pour tant d'enfants esclaves ! En effet, bien souvent, pour ceux qui s'en chargent, ces petits ne sont que main d'oeuvre, moins considérés que le bétail de la ferme.
A douze ans, s'ils atteignent cet âge, livrés à eux mêmes, nombreux finissent mendiants ...

Quinze enfants et une enfin une trace !

 C'est la p'tite Eugénie qui m'a fait signe. Elle apparaît sur la liste nominative des enfants trouvés dont l'hospice de Loudun assure le suivi. Matricule 264. Eugénie trouvée sur le tas de bois appartenant à Patri, elle a passé la nuit dehors, ce 18 janvier, Urbain redevenu cultivateur ne l'a trouvée qu'à six heures du matin.
Eugénie a survécu, elle a exactement 1 an 11 mois et 13 jours.
 Le registre mentionne la nourrice qui s'en occupe encore. Avant son départ d'Angliers, Eugénie avait été confiée à la femme PENNIER. Sur le répertoire de Loudun, c'est la femme PANIER qui est mentionnée.
Laquelle des deux fut sa nourrice ?
A Angliers, on trouve des PENNIER et des PANIER. PANIER, un patronyme à avoir un ancêtre accroché à une porte.
Le patronyme PANIER, à Angliers, c'est celui de l'instituteur.
Se pourrait-il que la p'tite Eugénie dans sa famille d'accueil ait appris... à lire ?

Quinze enfants et un peu d'espoir.


Agnès (13/05/1783)
François (06/09/1785)
Charles (20/11/1788)
Pantaléon (27/07/1789)
André (25/03/1790)
Joseph (1 Thermidor An 2)
Stanislas  (28 Vendémiaire An 4)
Jean  (12 Ventôse an 6)
Louise  ( 7 Fructidor an 8) 
Florence ( 8 Brumaire an 10)
Augustine (15 Frimaire an 11)
Zéphirine (12/09/1808)
Pierre-François (29/06/1809)
Marguerite (09/06/1814)
Eugénie ( 18/01/1832)



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire