lundi 29 avril 2013

Y d'une branche à l'autre #challengeAZ


Y d'une extrémité à l'autre de l'arbre !
Du Levant au couchant.
A l'Est, loin là-bas, loin derrière,
Yahech,
Le p'tit gars du pays du Levant.
Yahech Jacob est le grand-père maternel de mon grand-père.
Je ne sais rien de lui.
Rien.
Ni date de naissance, ni date de décès.
Rien.
Il se marie avec Rebecca Granchis, je ne sais quand, et ils auront ensemble une petite Mercada en 1877.  Peut-être d'autres enfants.
Elle-même se mariera avec Lazare Catalan à Constantinople et ils auront ensemble six enfants dont mon grand-père Théodore.
Enfin Théodore c'est le prénom qu'il adoptera en France, car à Constantinople, il nait Tchèle.
Je ne sais rien ?
Ce n'est pas tout à fait vrai. Je sais l'essentiel.
Chaque arbre si petit soit-il raconte une histoire qui nourrit les pousses de la vie.
Il suffit de savoir en tirer la sève.

Je sais la lumière de l'Orient, les senteurs du printemps, les olives, les poivrons, le café qui raconte,
le caviar d'aubergines...

Je sais l'essentiel de ce qu'il y a à apprendre de ce voyage dans le temps.
Je sais la volonté farouche de vivre, là où l'histoire vous mène.
Je sais la détermination de laisser le passé derrière, et je sais pourquoi.
Laisser le passé derrière, l'oublier, jusqu'à ne pas transmettre sa langue.
Pourquoi ?
Pourquoi ne pas transmettre sa langue ? Alors qu'on l'a transmise pendant 4 siècles ?
Le judéo-espagnol perdu en une migration.
Pourquoi ?
Pour enfin faire confiance à la terre d'accueil prochaine et y élever ses enfants.
Pour rompre avec la communauté.
Comme un nouveau départ.
Avec le projet que ces enfants-là soient les meilleurs pour ce pays-là.
Une ambition ?
Plus que ça.
L'envie enfin de prendre racine ici.
Et brasser les cartes avec un incroyable tolérance, en reléguant la religion, la tradition à leur juste place :
derrière.
Un exil, une libération.
Je sais assez de ce passé pour ne pas le laisser tomber dans l'oubli.
Je ne sais pas si quelqu'un après moi le portera encore, tant cette assimilation à la française et si bien consentie, a fait de ma mère, de mes cousins, de  moi, de mes enfants, de mon petit-fils,
 des français.
Tout simplement.
Mon petit-fils...
Victor,
L'autre Y à l'autre bout de l'arbre.
Et moi entre eux,
comme un Y,
Un bras vers le passé, un bras vers le présent,
Les pieds dans une terre d'accueil.
D'un Y à l'autre.
Yonnet Godard, un p'tit gars de la Charente Maritime,
une généalogie à conquérir,
Yahech, un p'tit gars du Levant.
Deux patronymes à raconter doucement,
en naviguant d'une rive à l'autre,
et en gardant à jamais, l'incertitude de l'ancrage.


6 commentaires:

  1. Belle I...mage que cette lettre dressée en fourche qui vous enracine au cœur des vôtres.
    Même ne sachant rien de leurs histoires et des motivations qui les ont éloignées de leur terre natale, ces ancêtres inconnus, on les met à l'honneur sur son arbre. Et tant mieux si nos familles ont foulé le sol de plusieurs pays, c'est ainsi que nous, leurs descendants, l'on se sent véritablement citoyen du monde...

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    1. Merci Patrice, ça fait plaisir de voir cette belle idée de "citoyen du monde" revenir au long de ce challenge comme un refrain !
      A Bientôt !

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  2. Ce que c'est beau ce que tu écris sur ce thème-là en particulier ! Une ligne de vie où tout s'agence, où tout s'arrange pour que chacun trouve sa place... Ce que tu dis aussi de certains renoncements (en particulier à la langue d'origine, pour mieux réussir là on l'on arrive) me renvoie à la problématique principale du département où je vis et travaille, hélas. Très beau récit pour un si beau parcours. Bises Gloria.

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    1. Merci Odile ! Je crois que le K, le N et le Y ne demandaient qu'à sortir, il fallait la bonne sage-femme, l'élément déclencheur, c'est Sophie la bien nommée qui l'a fait ;-)
      Et il fallait aussi les bons lecteurs pour recevoir ces mots.
      Bises Odile !

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  3. Une vraie artiste. Que d'idées pour ce challenge !

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  4. Ce Y Lulu, on pressentait que vous l'aviez particulièrement à cœur, et ce, depuis le A .Il est bouleversant .Votre abécédaire est à l'image de votre glycine , des racines solides donnant naissance à une inflorescence au parfum subtil, aux couleurs délicates qui enchantent le cœur et les sens. Il y a un côté enivrant à vous lire car l'émotion est portée à incandescence et, tous, nous avons le sentiment d'entrer en résonance. C'est un privilège rare. Merci de nous l'accorder .
    Excellente journée à tous dans l'aura des glycines en fleurs.
    Jocelyne

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