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La Dame de la Cataudière,
ma voisine Cora, m'accompagne
depuis le début de mon modeste travail d'archives. Elle me conseille au
potager, elle rattrape mes confitures trop liquides, elle choisit ma volaille,
elle vante la modernité et sa tisane guérit mes rhumes ! Mais qui
est-elle ?
Cora Millet-Robinet est née à Paris le 28 novembre 1798.
Elle grandit parisienne, auprès de son frère Stéphane, qui poursuit de
prestigieuses études en pharmacie. Cora curieuse, intelligente, partage, s'imprègne
du savoir prodigué à son frère, dont elle est sans doute depuis le plus jeune
âge, la meilleure interlocutrice, le meilleur soutien. Cette complicité
fraternelle, ne se démentira jamais, expliquant sans doute en partie, le
formidable élan donné au talent de Cora.
Mariée à 24 ans à François Millet, sous-intendant militaire,
de 22 ans son ainé, Cora quitte la capitale après la perte de son premier
enfant. Une douleur qu’elle partagera avec ses lectrices dans son premier
ouvrage. Elle tourne une page de sa vie
en venant s'installer en 1824, au château de la Cataudière, propriété de son
beau-père, qui fut le dernier maire de la commune de Prinçay avant son
rattachement à celle d'Availles-en-Châtellerault.
A Prinçay, Cora mettra au monde quatre enfants : Etienne
(1825), François-Paul (1828), Agathe Cécile (1831) et Adrien Léon (1833).
En 1834, Stéphane Robinet perd sa femme et vient avec son
jeune fils, rejoindre sa soeur au château.
Les Millet-Robinet sont érudits et éclectiques. L'un est
sous-intendant militaire, l'autre est pharmacien, mais les deux beaux-frères
sont aussi férus d'agronomie et de progrès ! La culture du vers à soie est à la
mode. Ils installent ensemble une première magnanerie sur Poitiers, tout en se
passionnant pour l'archéologie, les progrès techniques de l'agronomie, les
sciences. François Millet est aussi membre de la Société des Antiquaires de
l'Ouest, il partage les découvertes archéologiques qu'il fait sur le site de la
Cataudière.
Face à cette émulation, Cora n'est jamais en reste.
L'élevage des vers à soie sera aussi sa passion. Elle installe à la Cataudière
sa propre magnanerie en 1835 et y cultive une variété de vers à soie
particulièrement réussie qui prendra tout naturellement le nom de sa créatrice
: Cora. Louis Pasteur en fera l'analyse dans l'un de ses ouvrages. En 1838,
Cora présente ses travaux à la Société d'agriculture de Poitiers, en 1839 elle
est médaille de Bronze à l'Exposition des Produits agricoles et n'arrête plus
de grimper dans l'ordre des distinctions !
Cora mène sa vie comme une entreprise. Du poulailler à la
layette, elle organise, elle promeut, elle théorise. Cora est inventive et
pragmatique.
Et Cora parle aux femmes. Elle explique la grossesse,
l'accouchement, recommande l'accompagnement de médecins compétents lutte contre
les pratiques ancestrales dangereuses
pour la santé qu'elle découvre dans le Poitou. Cora sait que pour inciter les
jeunes femmes à allaiter elles-mêmes leurs nouveau-nés, il faut obtenir le
soutien… de leurs maris ! Au-delà de
l'éducation des enfants, c'est aussi la vie de couple qui doit se moderniser
!
Cora a une idée derrière la tête... L'instruction des filles
!
Féministe avant l'heure, féministe à sa manière, fille de
Rousseau, elle s'appuie sur la famille, le domaine, la maison, la nature,
l'exploitation agricole pour donner à la femme une place, l'incitant à diriger
son foyer. En lui apprenant à compter, elle lui donne la clé d'une porte qui
s'ouvre vers l'extérieur. A défaut d'en faire un chef de famille, Cora fait de
l'épouse un chef d'entreprise, lui donnant par là une chance de se libérer, de
valoriser son intelligence.
Pour mener à bien ce projet. Cora écrit. Cora écrit d'abord
pour les femmes. Ainsi en est-il de son premier ouvrage en 1841 :
« Conseil aux jeunes femmes sur leur condition et leurs devoirs de mère
pendant l'allaitement » Première édition d'un ouvrage dans lequel, elle
livre beaucoup d'elle.
Trois ans plus tard, parait "La Maison Rustique des
Dames", encyclopédie d'économie ménagère, on y trouve aussi bien comment
guérir la grippe que réussir les confitures ou se comporter avec ses
domestiques tout en tricotant la layette !
Mais Cora n'écrit pas seulement pour les femmes. Elle écrit
pour donner en exemple sa propre réussite. De nombreuses sociétés savantes
agricoles bénéficient de ses conseils et bien au-delà du Poitou ! Ainsi la
Société d'émulation de l'Ain. Comme George Sand, sa voisine, Cora fait sans
doute souvent salon. Elle reçoit à la Cataudière, dans son havre de paix elle
promeut les idées nouvelles.
Sans doute, peut-on résumer sa devise par l'un des titres de
ses ouvrages : « La Routine vaincue par le progrès. »
Le 28 Décembre 1884, à l'âge de 86 ans, Cora devient la
première femme, avec Mme Marie-Anne Thomas, Chevalier de l'Ordre du Mérite Agricole,
un an après Pasteur.
Elle s'éteint à St Benoist à l'âge de 91 ans le 7 décembre
1890.
Nul n'est prophète en son pays, cette femme de lettres ne
bénéficie pas encore ici des honneurs qui lui sont dus. Pourtant elle passionne
tous ceux qui la lisent et fait l'objet de publications prestigieuses. Monsieur
Alain Gros, Président de la Société d'Emulation de l'Ain lui a consacré un long
article, Madame Valérie Lastinger (universitaire en Virginie) est venue parler
de Cora à Oxford et prépare un livre sur
la belle dame de la Cataudière.
Le personnage vous a séduit ? Aidez-nous à éclaircir
certains points de sa généalogie (ses liens de parenté avec son époux, avec le
peintre Jean-François Millet et le vétérinaire Joseph Robinet), et peut-être
pourrez-vous nous aider à retrouver son visage ? Aucun des amoureux de Cora n'a
encore réussi à en tracer les traits...
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