jeudi 28 novembre 2013

Pionnier dans l'accouchement - Lulu Sorcière Archive dans Centre Presse - 28/11/2013.

Source AD 86 - Pour bien visualiser l'image, cliquez droit et ouvrir dans une nouvelle fenêtre. 


S’il avait mis, comme ses frères, ses pas dans ceux de son père, il aurait eu de la farine aux semelles : maîtres pâtissiers sur Poitiers, les Maury régalèrent la cité. Mais parmi les fils d’Hilaire, Joseph baptisé le neuf février 1737 à Notre-Dame-la-Grande, choisit un autre destin, il sera chirurgien. A 23 ans, Il épouse Marie Magdeleine Munyer, fille de maître serrurier, avec qui il aura neuf enfants !
Alors qu’il est encore jeune dans son exercice, c’est une sage-femme qui va le lier au destin des femmes. 1765, Mme Du Coudray parcourt la France pour enseigner l’art des accouchements, elle vient à Poitiers à la demande pressante de M.de Blossac. Son but: former les femmes des campagnes, où la mortalité périnatale est dramatique. Sa méthode : aux élèves illettrées, il faut apprendre en faisant plutôt qu’en lisant ! Ses outils: sa machine, une idée de génie, qui reproduit sous forme d’une poupée de tissu, savamment cousue, l’anatomie de la femme et de l’enfant à naître, permettant de simuler les présentations et les gestes à faire. Maury est enthousiaste. Il participe à la formation menée pendant 6 mois. Notre royale émissaire le désigne pour poursuivre l’enseignement régional, elle lui laisse une machine et son manuel.
Maury s’attelle à la tâche, recrute dans les villages, par voie d’affichage et enseigne chez lui. Les élèves sont sélectionnées par le curé, elles doivent être jeunes, de bonnes mœurs, en bonne santé. L’enseignement est de deux mois, rudimentaire, clôturé par un examen, les diplômées obtiennent le titre de « maîtresse sage-femme ». Les Affiches du Poitou, quotidien de l’époque, vantent les résultats de cet enseignement et nous font connaitre les villages de la Vienne qui ont bénéficié des premiers progrès de santé publique !
Arrive la Révolution. Le 24 mars 1791, Maury prononce devant le Comité de Surveillance Révolutionnaire, un plaidoyer pour la poursuite de ses cours d’accouchement, il exprime son patriotisme, le comité loue son dévouement à la chose publique. Dès lors les affiches changent de style, l’emphase est là, mais le fond du discours reste le même. Apprendre l’Art des accouchements c’est « servir la patrie » ! Sans mentionner le chemin parcouru avant elle, la Révolution s’attribue le mérite et l’initiative de ce sauvetage de l’humanité  naissante et gémissante ! Les officiers municipaux ont pris la place des curés.  Qu’importe le régime, Maury l’humaniste poursuit sa mission, suivi à Chauvigny et Loudun par d’autres chirurgiens souhaitant organiser une formation de proximité.
Maury est sur tous les fronts. On le croise dans les prisons, auprès des inculpées. A la direction de L’Hôtel Dieu, il enseigne aux carabins. Une année durant, les guerres de Vendée l’obligent à interrompre ses cours, les blessés sont si nombreux : « je ne peux me livrer à autre chose qu’à m’occuper du matin jusqu’au soir du soin de les soulager ». Mais c’est à son initiative que l’enseignement reprend et ce jusqu’en 1795. Après trente ans de bons et loyaux services, Maury cesse son activité, reprise partiellement et épisodiquement par ses successeurs Canolle et  Gagnard. Le Journal de la Vienne  couvre le vieux maître d’éloges : « La patrie réclame de ses talents cette preuve de son amour pour l’humanité et pour la chirurgie. ». L’Art des accouchements a déjà ses nostalgiques !
Au bout d’une longue vie au service des femmes, Maury s’éteint à Poitiers en 1808. Si l’efficacité de son enseignement fut contestée, nul ne peut douter de son humanisme, de son dévouement. Les quelques lettres qu’il nous a laissé témoignent qu’il fut un ardent défenseur des femmes, acteur convaincu de la santé publique. Il faudra attendre 1842, pour que Poitiers, après un trop long travail de gestation, dernière, avec Arras, parmi les grandes villes de France, accouche enfin d’une maternité…

Sources : AD 86 Série L210 et MSAO 1918