jeudi 23 janvier 2014

Que d'eau, que d'eau ! Lulu Sorcière Archive dans Centre Presse - 23/01/2014

Décembre 2013, Janvier 2014, de la Bretagne au Var, les inondations gravent leur sillon de douleur dans l’esprit des  hommes, qui,  impuissants face au désastre, interrogent  la mémoire des anciens. De mémoire d’homme, a-t-on jamais vu tel désastre ? Quand ? Où ? Jusqu’à quelle hauteur ?
De mémoire de curé poitevin, les crues de 1740 furent telles qu’il reste de leur passage de profondes traces d’encre. La Creuse à Leugny et  à Buxeuil, la Gartempe à Antigny, La Clouère à Marnay, le Clain à Poitiers.
Ecoutons le curé de Ste Radegonde, qui eut de nouveau les pieds dans l’eau en 1747, et vint ajouter sur son registre un petit paragraphe en bas de page, léguant à la postérité une analyse météorologique comparative.
« C’est la nuit du cinq au six décembre que le Clain choisit de sortir de son lit, entre onze heures et minuit ! Il passa par-dessus les remparts, fendit les murs du prieuré de Ste Radegonde, monta dans les chambres et envahit même le tombeau de la Sainte jusqu’à sept pieds de hauteur ! Ce phénomène météorologique ne fut pas exclusif au Poitou. La France entière fut inondée, les ravages effroyables, les pertes infinies, et les noyades extrêmement nombreuses. Un fléau de Dieu sans aucun doute… selon notre homme !
A Antigny, la Gartempe déborda la même nuit, en 24 heures. Personne au village ne l’avait jamais vue si grande ! Figurez-vous qu’elle arriva à la porte de Louis Aubin et même à celle de Pierre Guenachon ! Elle emporta les arcades du pont de Montmorillon, fendit les murs et les maisons et couta plus de cent mille livres à la ville !
A Buxeuil, la Creuse aussi était en colère. Elle se déversa dans l’église, jusqu’au grand autel, mais ne fit heureusement que peu de dégâts. La voilà à 36 pieds de hauteur ! Elle détruisit 7 à 8 maisons, et même parmi les plus solides du bourg, et les pauvres paroissiens ne sauvèrent presque rien de leurs effets !
 A Leugny aussi on compare. En 1792  la crue,  plus forte de trois pieds que celle de 1740, atteignit le cimetière comme elle l’avait déjà fait alors ! Cette nuit du 5 décembre elle monta plus haut que jamais homme ne l’avait vu, allant au pied de la Croix du cimetière, où il y eut trois pieds d’eau ! On exposa dans l’église le Saint Sacrement, on dit une messe et l’eau cessa de monter ! Mais le mal était fait. Son cours avait été si rapide, que les terres étaient creusées, les plaines couvertes de pierres et de sable, les meubles des maisons emportés, les particuliers ne sauvèrent que leur pauvre vie, abandonnant leur maison à cette eau impitoyable.

Survenu le 5 décembre dans le Poitou, le phénomène toucha tout le royaume et au-delà jusqu’au mois de janvier. Les pluies incessantes, amenèrent la Seine à son plus haut niveau le 21 Décembre : 7,9 m au pont de la Tournelle,  inondant la capitale. Cette crue centennale occasionna des pertes matérielles considérables et un nombre de noyades effroyable.  Au plus loin de la mémoire des curés de la Vienne, on se souvient en 1615, de la colère des eaux de l’Envigne et de la Creuse, racontée par les curés de Scorbé-Clairvaux et de de Buxeuil .