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Entre fascination et répulsion, de la monstruosité à l’humanité, le curé de Leugny trouve le chemin de l’âme.
Entre fascination et répulsion, de la monstruosité à l’humanité, le curé de Leugny trouve le chemin de l’âme.
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Le 21 Juin
1655 nait à Leugny le fils de Pierre BERTHEAU.
Un enfant si différent, que Godin, le curé, interroge l’embryologie pour guider
la théologie.
Appelé en
urgence, il a trouvé le nouveau-né « vivant et qui jetait une voix ni
d’enfant ni d’animal». En s’approchant tout près il lui semble que « c’est
celle d’un chevreau ». Les anomalies se situent au niveau de la tête. « Les
yeux sont au plus haut de la teste et de grosseur extraordinaire », il manque le front, le crâne est déformé, le cuir chevelu en forme de « cornets duveteux » est
présent derrière chaque oreille, le
reste de la tête est sans poil. Le cou présente un bourgeon charnu, les
oreilles sont légèrement en pointe, ainsi que la langue.
A ce drame, Godin
cherche une cause et la trouve : la peur. Ancestrale, la peur, resta
longtemps la seule explication des malformations foetales. A cinq mois de
grossesse, Marie Maujuré, la femme Bertheau a croisé un loup dévorant une
chèvre. Une grande frayeur l’a prise et « la force de l’imagination a
changé les organes extérieurs ».
Baptisé par la matrone, l’enfant meurt sous
les yeux du curé. Godin argumente afin d’accorder une sépulture à cet enfant. « L’infusion
de l’âme » est un phénomène complexe. Nous apprenons qu’elle présente trois
stades : végétative, sensitive et raisonnable. Il faut au fœtus mâle 40
jours pour atteindre le stade raisonnable et le double pour une fille ! Par
conséquent, ici, l’âme précéda la peur. L’accident « n’a pas changé la
substance de l’âme ». Le cœur et le cerveau sont « demeurés humains
nonobstant le notable changement de la forme extérieure ».
Serviteur de
Dieu mais épris de science, Godin éloigne l'animalité pour trouver l'humain. La
chronologie des évènements le conforte.
« Je le crois » insiste-t-il ! Chassant le diable et le surnaturel qui pourraient
s’insinuer dans les esprits, Godin assure le salut du petit, sauve la mère et
la paix du village.
L'enfant Bertheau
était anencéphale. Nous savons aujourd’hui que l’anomalie survient au plus tard
au 26ème jour de gestation. Godin s’est trompé, le loup n’y était pour rien !
Les malformations
majeures, concernent environ une
grossesse sur trois mille. Leur mention sur les registres paroissiaux est
exceptionnelle. Le déchiffrage de cet acte fut un travail d'équipe, merci aux
paléographes du club GE86 et aux carabins de ce siècle qui m’ont aidée à
comprendre ce bouleversant témoignage du passé.
llustration :
BIU Santé Paris.